L'année de Roberto Carlos valait bien celle de Ronaldo, du moins pouvait-on l'envisager sur la ligne de départ de la course pour l'attribution du Ballon d'Or. Le style général introduit dans le jeu par le défenseur brésilien allait tout à fait dans le sens de la novation et l'idée de promouvoir un homme de l'arrière-garde, dans un palmarès qui fait la part belle aux attaquants, n'était pas de nature à déplaire. Seulement, Ronaldo profita à plein de l'effet Coupe du monde et du coefficient toujours très élevé qui s'attache à la réputation de son meilleur buteur, surtout lorsque celui-ci frappe deux fois en finale. Mais c'est tout autant le miraculé de la République du football que le jury de France Football chercha à saluer. Et comment le lui reprocher ? Par sa fulgurance, la victoire de Ronaldo rappela celle de l'Italien Rossi lors de l'édition 1982. Il chanta un seul été, certes, mais sur quelle partition et avec quel timbre de voix ! Hormis Keegan en 1978, tous les quatre ans le vainqueur du Ballon d'Or sort de la Coupe du monde. Le lauréat l'a gagnée ou s'y est distingué d'une façon ou d'une autre. Kopa (1958), Masopust (1962), Charlton (1966), Müller (1970), Cruyff (1974), Rossi (1982), Belanov (1986), Matthäus (1990), Stoitchkov (1994) et Zidane (1998) reçurent, par exemple, la "prime" d'un Mondial réussi. Ce fut donc également le cas pour Ronaldo. Affichant deux victoires au compteur, comme Di Stefano, Rummenigge, Beckenbauer et Keegan, il pouvait dès lors se lancer à la poursuite du Français Platini, des Néerlandais Cruyff et Van Basten, trois victoires chacun - trois d'affilée pour le premier nommé, maître en Ballons d'Or.
Un grand attaquant tout-terrain
Etonnante carrière que celle de Luiz Nazario de Lima, dit "Ronaldo". On serait presque tenté de mettre les deux mots au pluriel, tant ce joueur exceptionnel donne l'impression d'avoir déjà vécu plusieurs vies, alors qu'il n'a que vingt-six ans. À vingt ans, il était le meilleur joueur du monde, le successeur désigné de Pelé et de Maradona. Trois ans plus tard, il se retrouvait avec une carrière entre parenthèses, et tout le monde se demandait si celles-ci pourraient se rouvrir un jour. Pratiquement absent des terrains pendant deux saisons, une éternité à l'aune d'une époque pressée et dévoreuse d'idoles, il était peut-être le seul à croire à sa résurrection. Deux fois foudroyé par une terrible blessure à un genou, son avenir de footballeur ne tenait plus qu'à un fil minuscule. Cette terrible épreuve a permis à Ronaldo de montrer l'étendue de ses dons, qui ne se limitent pas à une fantastique capacité d'accélération et d'enchaînement de dribbles à pleine vitesse. Depuis son retour, il n'a pas marqué un de ces buts d'extraterrestre filant comme le vent à travers une défense figée et impuissante. Mais ce talent éblouissant, aveuglant même, n'était pas le seul que Ronaldo avait reçu des dieux. Sous le phénomène, il y a bien un grand attaquant international, capable de jouer en équipier, de chasser les buts, comme Gerd Müller ou Romario avant lui.
Avant même le Mondial 98, début de sa longue descente aux enfers, on avait remarqué que le joueur irrésistible du PSV, puis du FC Barcelone et de l'Inter, se révélait capable de modifier son registre lorsqu'il portait le maillot de la Seleçao. Avec Romario, son ami et son maître, il jouait souvent court et à une touche, et ces deux buteurs savaient se partager équitablement les réussites. Presque toujours maîtresse du ballon et affectionnant le jeu placé, l'équipe brésilienne se prêtait moins aux longues chevauchées, mais le rendement de Ronaldo n'en était guère affecté. Dépouillé de sa panoplie d'extraterrestre, il exposa en Asie la panoplie complète d'un grand attaquant tout-terrain. Sans oublier sa faculté d'adaptation à tous les schémas tactiques, lui qui a joué avec Romario ou Vieri sur la même ligne que lui, avec le Brésil 1998 ou l'Inter, seul en pointe avec les actuels champions du monde, ou avec Raul tournant autour de lui au Real. Cette dernière qualité est souvent l'apanage des très grands.
Avec quatre personnalités de joueur aussi importantes que celles de Zidane, Figo, Raul et Ronaldo, le système offensif du Real réclame un peu de temps pour se mettre en place. Il faut que le Brésilien adapte son jeu à celui de l'équipe. Car il y a au Real comme dans la Seleçao une philosophie qui ne varie guère, fondée sur la possession du ballon et le travail sur les côtés. Certains enchaînements ultrarapides à une touche, genre PlayStation dernier modèle, démontrent que cette marque de fabrique de l'équipe madrilène ne sera pas entamée. Avec lui, le Real pourra tirer parti d'une cavalerie comme on n'en a pas connu depuis quarante ans, depuis Di Stefano, Kopa, Puskas et Gento. Alors, on en saura plus long sur la suite de l'extraordinaire saga de Ronaldo, le plus célèbre ressuscité de l'histoire du football.
Il exposa en Asie la panoplie complète d'un grand attaquant tout-terrain.
Sa fiche (en 2002)
-Nationalité : brésilienne.
-Né le 22 septembre 1976, à Rio de Janeiro (BRE).
-Taille : 1,83m.
-Poids : 82 kg.
-Poste : attaquant.
-Clubs : Social Ramos Club de Bento Ribeiro (1990-1991), Sao Cristovao de Rio de Janeiro (1991-1993), Cruzeiro Belo Horizonte (1993-1994), PSV Eindhoven (1994-1996), FC Barcelone (1996-1997), Inter Milan (1997-2002) et Real Madrid (depuis 2002).
-Palmarès : Coupe du monde 1994 (sans jouer) et 2002 ; Copa America 1997 et 1999 ; Coupe des Confédérations 1997 ; Coupe intercontinentale des clubs 2002 ; Coupe des Coupes 1997 ; Coupe de l'UEFA 1998 ; Championnat d'Espagne 2003 ; Coupe des Pays-Bas 1996 ; Supercoupe d'Espagne 1996 et 2003 ; meilleur buteur du Mondial 2002 (8 buts) ; meilleur buteur du Championnat des Pays-Bas 1995 (30) ; meilleur buteur du Championnat d'Espagne 1997 (34) et 2004 (24).
-Bilan en équipe du Brésil : 85 sélections A, 56 buts (1994-2004).
-Bilan en phase finale de Coupe du monde : 3 participations (1er en 1994 et 2002 ; 2e 1998), 14 matches, 12 buts (1994-2002).
-Palmarès Ballon d'Or : vainqueur en 1997 et 2002 (2e en 1996 ; 3e en 1998).
Le classement du Ballon d'Or France Football 2002
1. Ronaldo (Pays : Brésil / Club : Real Madrid)
2. Roberto Carlos (Brésil / Real Madrid)
3. Oliver Kahn (Allemagne / Bayern Munich)
4. Zinédine Zidane (France / Real Madrid)
5. Michael Ballack (Allemagne / Bayern Munich)
6. Thierry Henry (France / Arsenal)
7. Raul (Espagne / Real Madrid)
8. Rivaldo (Brésil / Milan AC)
9. Yildiray Bastürk (Turquie / Bayer Leverkusen)
10. Alessandro Del Piero (Italie / Juventus Turin)
11. Hasan Sas (Turquie / Galatasaray)
12. Ronaldinho (Brésil / PSG)
13. Michael Owen (Angleterre / Liverpool) et Ruud Van Nistelrooy (Pays-Bas / Manchester United)
15. Cafu (Brésil / AS Roma), Bernd Schneider (Allemagne / Bayer Leverkusen), Juan Carlos Valeron (Espagne / Deportivo La Corogne) et Patrick Vieira (France / Arsenal)
19. Luis Figo (Portugal / Real Madrid) et Lucio (Brésil / Bayer Leverkusen)
21. Papa Bouba Diop (Sénégal / Lens), El-Hadji Diouf (Sénégal / Liverpool) et Rio Ferdinand (Angleterre / Manchester United)
24. Ruben Baraja (Espagne / Valence CF), Filippo Inzaghi (Italie / Milan AC) et Roy Makaay (Pays-Bas / Deportivo La Corogne).