
Luccin : « Arrêter de faire les cailleras »
Ancienne figure de la L1, Peter Luccin (34 ans), aujourd'hui à Dallas, a accepté de revenir pour France Football sur les grandes lignes de sa carrière. Outre son avenir, qu'il aimerait lier à la France, l'ancien Marseillais, également passé par le PSG, se remémore de beaux moments, livre des anecdotes et évoque les Bleus...
Peter, vous vous êtes blessé quelques semaines seulement après votre arrivée à Dallas. Un gros coup dur, certainement ?
Moralement, ça a été compliqué. Mais j’avais déjà vécu ça, lorsque je jouais à Lausanne. Il m’était arrivé quasiment la même chose, les ligaments croisés étaient touchés. Je savais qu’il me faudrait faire preuve de patience. C’est déprimant, mais ça permet aussi de prendre du recul par rapport à certaines choses.
Comment vous êtes-vous adapté, au niveau culturel notamment ?
C’est vrai que les Etats-Unis sont totalement différents de l’Espagne ou de la France. Mais je me suis toujours adapté, partout où je suis allé. Ici, tout est grand, tout est démesuré. Dallas est tellement immense que je n’ai pas encore eu le temps de tout voir ! C’est un autre mode de vie. C’est très enrichissant.
On imagine que vous gardez un œil sur le Championnat de France. Quel est votre favori pour le titre ?
Paris, c’est très fort. Je pense qu’ils vont connaître un creux en janvier-février. Ils vont laisser beaucoup d’énergie en C1. Monaco risque d’en profiter. Mais si le PSG continue à jouer comme ça, je pense qu’il ne sera vraiment pas loin du titre de champion d’Europe. J’espère que Marseille fera une grande saison. Il y a une certaine réalité financière et l'OM ne peut pas rivaliser avec Monaco et le PSG. Mais j’espère qu'ils seront sur le podium à la fin du Championnat.
Quel est le meilleur souvenir que vous gardez de votre carrière en France ?
Houlà, il y en pas mal ! Mais je dirais la victoire contre le Manchester United de David Beckham (1-0) avec l’OM en 1999 au Vélodrome. Ils étaient tenants du titre, cette victoire était énorme. C’est un grand souvenir. Ce qui m’a fait le plus plaisir, ce sont les compliments d’Alex Ferguson à la fin du match.
Vous avez désormais 34 ans. Envisagez-vous un retour en France, comme dirigeant par exemple ?
Même en tant que joueur si mon niveau me le permet ! Si un club de L1 ou de L2 me propose un bon challenge l’année prochaine, pourquoi pas. Lorsque je vois ce que Ryan Giggs (40 ans) fait à Manchester, au plus haut niveau, je me dis que tout est possible avec de la volonté, de la persévérance et une bonne hygiène de vie.
Et votre reconversion, y avez-vous déjà réfléchi ?
J’y ai pensé, oui. Mon désir, c’est d’être prêt du terrain. Etre dirigeant, j’y pense. A l’OM ou à Bordeaux, deux clubs que je connais très bien, ce serait parfait. Ou pourquoi pas consultant, c’est un job qui me plaît et qui m’attire vraiment. Je souhaite continuer à faire ce que j’aime, à prendre du plaisir. Je sais pertinemment que je vais rester dans le milieu.
Vous aimeriez revenir à l’OM. Mais les Marseillais vous ont-ils pardonné d’avoir un jour rejoint le PSG ?
Cette sensation de "trahison" qu’ils ont, je ne l’ai jamais comprise. Des amis me le reprochent encore ! Mais les gens doivent savoir. A Marseille, j’avais signé un contrat de 12 ans, plus symbolique qu’autre chose, c’est vrai, mais ça m’assurait un avenir. A l'été 2000, je devais rejoindre Monaco. Puis Paris a fait une offre. Mes dirigeants m’ont convoqué en m’expliquant qu’il serait bien, pour les finances du club, que je signe à Paris. Je n’ai pas hésité.
Pour quelles raisons ?
Paris voulait devenir un grand d’Europe. Ils allaient jouer la Ligue des champions. Et moi, je pensais avoir mes chances en Bleu pour la Coupe du monde 2002. On avait sans doute l’un des meilleurs potentiels offensifs d’Europe, avec Christian, Anelka, Benarbia, Dalmat, Okocha… Mais on ne nous a pas laissés suffisamment de temps.
En avez-vous voulu aux dirigeants parisiens ?
Bien sûr. Le projet était sublime. Heinze, Pochettino et Christobal (arrivés à l’été 2001, ndlr) ont apporté de l’expérience. Ronaldinho est arrivé. Le potentiel était présent. Si on nous avait laissé le temps, on aurait fait très mal. On aurait sans aucun doute gagné des titres.
Cette saison a-t-elle été un tournant dans votre carrière, notamment en Bleu ?
Sans aucun doute. Mais c’est vrai que l’équipe de France à cette époque-là était monstrueuse. C’est surtout après, en 2004, que je pensais avoir ma chance après m’être affirmé au Celta Vigo. Je n’ai pas honte de le dire.
Que vous inspirent les Bleus aujourd’hui ?
Ils sont de mieux en mieux, ça se voit. Ils sont en train de prendre confiance. Je pense qu’il y a eu un déclic contre la Biélorussie (4-2, le 10 septembre dernier, ndlr). Ils sont passés par toutes les situations possibles, ça les a forgés. S’ils gardent cet état d’esprit, le barrage contre l’Ukraine ne sera qu’une formalité. Il y a un énorme potentiel dans cette équipe, les gens doivent arrêter de faire un complexe d’infériorité. On a Franck Ribéry, peut-être futur Ballon d’Or, Paul Pogba, un talent brut… Et Deschamps est un formidable tacticien.
Le comportement de certains joueurs fait polémique. Estimez-vous qu’ils devraient corriger leur attitude ou, au contraire, êtes-vous de ceux qui pensent que les médias sont trop virulents ?
Certains médias sont un peu lourds, oui. Mais il n’y a jamais de fumée sans feu. Les joueurs se doivent eux aussi d’être de vrais professionnels. Ils doivent arrêter de faire les "cailleras" (racailles, ndlr) de cités, car ils n’en sont pas. Ils ont cette chance unique d’être bien payés, de gagner leur vie grâce à leur passion. Regarder un SMS pendant la mi-temps d’un match, ce n’est pas acceptable. Si j’avais fait ça à Marseille, avec des Bravo, Blanc ou Köpke dans le vestiaire, je n’aurais pas joué le prochain match. Maintenant, je ne juge personne. Chacun fait comme il l’entend. Mais on doit avoir conscience qu’on est des privilégiés.
« Si un club de L1 ou de L2 me propose un bon challenge, pourquoi pas ! Quand je vois ce que fait Ryan Giggs à Manchester... »
«Des amis me reprochent encore d'avoir quitté l'OM pour Paris. Mais cette sensation de trahison, je ne l'ai jamais comprise »
«Regarder un SMS pendant la mi-temps, ce n'est pas acceptable. Les joueurs doivent arrêter de faire les cailleras, ils n'en sont pas»