
Planus : «Je n'ai pas peur»
Arrivé aux Girondins en 1989, à seulement 7 ans, Marc Planus vit ses derniers jours dans la peau d'un joueur de Bordeaux. Pour France Football, il raconte ce qu'il éprouve. Voici la première des trois parties consacrées à ses ultimes heures bordelaises.
«Ce sont les derniers jours et je me sens léger, même s’il y a une appréhension car il y a une part d’inconnu. Je ne sais pas ce que je vais faire dans les mois à venir. Je ne sais pas si je vais continuer. Ma première idée est de connaître une expérience assez loin à l’étranger, mais peut-être que cela se finira en France, parce qu’une proposition aura été intéressante. Ou peut-être que j’arrêterai, tout simplement. Je laisse faire mon destin. De toute façon, je ne le maîtrise pas. Mais je n’ai pas peur. J’ai la chance d’avoir une autre passion que le football dans la vie: l’architecture. Mon père n’était pas architecte mais il travaillait dans le bâtiment et je l’ai toujours vu faire ses dessins industriels. C’est quand j’ai réalisé mon premier logement à 20 ans que cette passion est devenue, petit à petit, égale à celle du foot et que j’ai commencé à y penser pour ma reconversion.
«Ce serait presque normal d'avoir un gros coup de blues»
Il y a une seule chose que je ne peux pas encore imaginer, concrètement, c’est de ne plus me rendre quotidiennement au Haillan, comme je le fais depuis que j’ai 14 ans. Ça, je ne sais pas comment je vais le gérer. Ce serait presque normal d’avoir un gros coup de blues. Aux Girondins, je n’ai pas connu que des gens qui m’ont appris à jouer au foot. J’ai connu des gens qui m’ont aussi éduqué, en tant qu’homme. On peut quitter son milieu professionnel mais ce club est bien plus que ça. C’est ma deuxième famille. Et le manque de sa famille, c’est difficilement quantifiable. Ça va être un grand chamboulement, un changement brutal.

«J'avais la peur en moi, la peur d'être éliminé»
Parfois, j’ai des flashes alors je me dis de profiter parce que c’est la fin. Je me souviens de la première fois avec les Girondins pour voir jouer mon frère aîné. Ce château avec cette piscine, c’était impressionnant. Tout était bien plus beau aux Girondins. Je me rappelle aussi de ma journée de détection pour intégrer le club. Se retrouver parmi tous ces enfants qui veulent tous la même chose, se dire qu’il y a une sélection, quand on est petit ce sont les premiers moments de stress. J’avais la peur en moi, la peur d’être éliminé. Je me souviens également de mon premier tournoi avec les Girondins, un tournoi d’intégration en mai 1989 qui servait à préparer la rentrée de septembre. C’était à Brame, tout près du village de mes grands-parents. En finale, j’avais joué contre mon cousin, et ma grand-mère était partagée. On avait gagné et, ensuite, toute la famille s’était retrouvée chez mes grands-parents.
«Ce club est une institution, on est tous de passage ici»
Une autre chose m’avait particulièrement marqué ce jour-là : l’image que l’on devait véhiculer. Avec mon club de campagne, lors des tournois, on jouait plus au foot entre les matches que pendant. Aux Girondins, dès 7 ans, quand tu fais un tournoi, personne ne touche un ballon entre les matches. Tu dois te reposer, faire la sieste la tête allongée sur ton sac. Et si un gamin enlève sa veste, tout le monde doit l’enlever. Nous étions confiés à l’éducateur du matin au soir et les parents n’avaient plus à intervenir. Ils avaient interdiction d’approcher les enfants. Pour moi, c’était vraiment impressionnant. Et c’était aussi la première fois que je portais la tunique des Girondins. Un jogging du club avait été offert à tous les futurs nouveaux. C’était un grand moment de fierté. Ce club est une institution, on est tous de passage ici. Même ceux qui y sont restés un peu plus longtemps que les autres.»
Thomas Simon