Assis en terrasse devant un diabolo au goût exotique, Adama Camara a pris l’habitude d’être scruté, épié, copié au PMU dont il a fait son QG. La rançon du succès. Dans ce coin des Hauts-de-France, les regards se lèvent invariablement lorsqu’il se dirige vers le guichet pour valider ses intuitions, avides de connaître ses secrets. Une notoriété locale qui tend à se répandre à mesure que ses réseaux sociaux se garnissent de curieux, alléchés par les captures d’écran de ses paris gagnants, quand ce ne sont pas ceux de ses suiveurs. «J’ai même des gens qui me suivent à l’étranger, s’enthousiasme cet ancien footballeur amateur de bon niveau. Je suis un peu dépassé, je ne m’attendais pas à ça. Je ne suis pas encore tout à fait prêt.» Mais il s’organise. Quelques semaines encore et les développeurs pourront livrer son site internet. En attendant, il délivre ses pronostics sur Snapchat et Facebook (Mara Pronostic), où certains petits malins tentent d’ailleurs de se faire passer pour lui, signe qu’il commence à attirer regards et convoitises. «Hier, j’ai constaté qu’un pronostiqueur très connu avait repris sur son site tous mes pronos !» enrage-t-il, conscient autant du danger que de la légitimité que cela apporte à quelqu’un qui débute dans l’activité. Enfin, qui débute… «En fait, je joue depuis quinze ans, mais je perdais tout le temps. Je jouais à l’instinct, comme ça venait, souvent pour me refaire, ce qui est la pire des idées.»
«25 à 30 000 € de gains par mois en moyenne»
Avec l’âge et l’expérience, il a appris à avoir du recul, et surtout de la méthode. Un apprentissage plus qu’un déclic soudain et rédempteur. «Avant de gagner, j’ai perdu beaucoup, beaucoup d’argent, parfois mon salaire dès le début du mois. J’ai tellement perdu de paris à la 86e, la 88e quand je jouais les vainqueurs secs... Mais à force, j’ai pigé des trucs. Je n’avais pas compris qu’en analysant sérieusement, on peut gagner.» Beaucoup. Il annonce 25 à 30 000€ par mois, «en moyenne», «sans jamais miser plus de 1 000€ à la fois», stratégie sage du père de famille qu’il est. Un pécule investi récemment dans un salon de coiffure, acheté à un ami. Du concret né d’une presque coïncidence. «En réalité, c’est parti d’une blague à la base, raconte Adama Camara. Les gens ici savent que je joue depuis longtemps au pari sportif. Début mars, il y a eu un Chambly-Troyes. Plusieurs personnes m’ont téléphoné pour savoir ce que j’allais jouer. Pour que ça s’arrête, je me suis dit que j’allais publier mon ticket sur Snapchat, comme ça on n’avait plus besoin de m’appeler. J’ai mis la victoire de Troyes et Cristiano Ronaldo qui marquait plus de but que La Spezia. Et ç’a gagné. Alors j’ai continué. Et pendant une semaine, j’ai fait carton plein : à chaque fois, c’était bon !» La pêche miraculeuse attire inévitablement des curieux, fidélisés par les gains. Les questions, les messages alourdissent son chat. Assez rapidement, dépassé, il décide d’instaurer un abonnement payant VIP («20 € par mois au début, aujourd’hui c’est 30»), moins pour gagner de l’argent que pour limiter les sollicitations. «Ca me prenait trop de temps, c’était devenu un vrai métier.» Il en a déjà un, veilleur de nuit dans un foyer, une activité parfaite quand on a besoin de disséquer les Championnats et les statistiques. «C’est la nuit que j’analyse tout, j’ai le temps vu qu’il ne se passe jamais rien. Chez moi, avec les enfants, la famille, c’est compliqué. Là, je n’ai que ça à faire, alors je regarde tout.»
«Maintenant, je joue ce que je connais»
C’est en début d’année que survient le déclic, hérité de ses années sur les terrains. Une évidence qui ne lui était pas apparue jusque-là. «Quand je jouais, j’étais attaquant. Alors maintenant, je joue ce que je connais. Les buteurs. Je les connais tous, dans tous les Championnats. Je sais leur dynamique, leur état de forme, et je les joue sec. C’est ça qui rapporte.» Le 16 mai dernier, dans la journée, il en a donné vingt-cinq gagnants, «dont des combinés côtés à 15, 16 et 25 !» Défenseur central reconverti attaquant, Adama Camara a évolué notamment à Calais, Dunkerque, Beauvais, Chasselay, jamais plus haut que le National malgré une belle vélocité. Il vient de mettre un terme à sa carrière, à 30 ans, alors que s’ouvre une autre, virtuelle mais concrète. «L’idée, à terme, c’est de percer là-dedans. Je gagne beaucoup depuis cinq-six mois, mais ça me sert surtout à me refaire par rapport à tout ce que j’ai perdu avant. Avec ma méthode sur les buteurs, je gagne, et je fais gagner. Mais attention, ce n’est pas une science exacte. D’ailleurs je le dis à mes abonnés VIP : on ne gagne pas tout le temps. Dans le jeu, il y a 50% de chance et 50% d’analyse. L’idée, c’est de réduire les risques avec l’analyse.»
Arnaud Tulipier
Snapchat : Mara Pronostic
Facebook : Mara Pronostic