
Au Brésil, Red Bull change de dimension
Longtemps superficiel, l'investissement de la multinationale autrichienne au Brésil a pris un tout autre sens. Red Bull a validé sa fusion avec Bragantino, club promu en première division, et décuplé ses ambitions.
Un globe terrestre, des yeux fermés, un choix au hasard. Avec un peu de chance, vous tomberez là où Red Bull et son département football investissent. Allemagne, Autriche (x2), États-Unis, Ghana et enfin Brésil, là où tout a changé depuis quelques mois avec l’apparition d’un nouveau patronyme sur l’échiquier du foot local : Red Bull Bragantino. Il résulte de la fusion, annoncée au printemps 2019, entre le Clube Atlético Bragantino et le Red Bull Brasil, club fondé en 2007 par la marque et jamais vraiment structuré pour jouer les premiers rôles. «Nous avons l'habitude de dire ici que Red Bull Brasil était une grande équipe, mais sans fans, recontextualise le capitaine et gardien de but Julio Cesar. D'un autre côté, Bragantino était un club traditionnel, mais traversait des problèmes financiers et structurels. Maintenant, nous avons la même bonne structure de Red Bull Brasil, mais avec une ville pour nous soutenir et les fans du stade, comme Bragantino l'a toujours fait.» Club historique aux réussites irrégulières, Bragantino a pu compter sur un premier investissement de 10 millions d’euros, permettant une montée dans l’élite du football brésilien, avant un grand remue-ménage marketing. Au 1er janvier 2020, Bragantino a changé de nom et de logo, reprenant les codes habituels de la firme pour faire ses grands débuts lors du Campeonato Paulista. La première division, que le club n’avait plus connu depuis 1998, doit normalement reprendre en mai prochain.
RB a pris son temps
Red Bull, en officialisant son arrivée dans l’élite, valide donc un projet qui a mis du temps à prendre forme. Longtemps, l’équipe attitrée a végété autour des troisième et quatrième divisions, orphelin d’un partenaire, d’une vision à long-terme et ne formant que peu de joueurs. Seul le latéral gauche Bernardo, aujourd’hui à Brighton, a franchi le cap européen. «Il est important pour Red Bull de veiller au cours des prochaines années à ce que davantage de joueurs se développent dans des endroits comme New York ou le Brésil, qui sont considérés comme des renforts pour nous», déclarait Ralf Rangnick, ancien directeur sportif de Leipzig devenu superviseur des deux écuries sur le Nouveau Continent.
«Les offres sont toujours faites en pensant à un modèle de jeu» (Thiago Scuro, directeur du football)
«Je suis sûr que Red Bull Bragantino grandira de plus en plus vite et je veux en faire partie, envoie lui Alerrandro, tout juste arrivé en janvier. En plus de cela, je pourrai développer mes compétences ici, car le club a une philosophie où les jeunes joueurs ont beaucoup d'occasions de jouer.» Jeune avant centre de 20 ans, cet ancien de l’Atlético-MG a signé à Bragantino pour 3 millions d’euros. Red Bull ne s’y perd pas, son idée passe toujours par la jeunesse. Une vision que trahissent les paroles de Thiago Scuro, homme clé du projet et directeur du football : «Nous pensons qu'en recrutant des joueurs jeunes et talentueux, il est plus facile de les façonner pour qu'ils s'inscrivent dans notre philosophie. Les offres sont toujours faites en pensant à un modèle de jeu et à ce que nous pensons du football. Ils peuvent être ici au Brésil ou dans d'autres pays d'Amérique du Sud.» Ainsi, Bragantino a validé en début d’année les arrivées successives de nombreux prospects - voir tableau ci-dessous -, entre autres l’Équatorien Leonardo Realpe et le latéral gauche brésilien Luan Candido, prêté par… le RB Leipzig.

Idée commune et partage de connaissances
Une stabilité comme denrée rare
Au Brésil, le contexte permet surtout à Red Bull un sérieux incomparable. Gangrené par les problèmes financiers à répétition, les atermoiements de ses propriétaires et les dettes, le Championnat brésilien est en quête de stabilité. En décembre, les fans de Cruzeiro ont par exemple provoqué des émeutes, excédés par la première descente de l’histoire du club, sa situation financière - une centaine de millions d’euros de dettes - et une enquête qui mêle les dirigeants à des accusations peu glorieuses : corruption, blanchiment d’argent et transferts frauduleux.
«Presque tous les clubs du Brésil ont des problèmes politiques» (Julio Cesar)
«Ici, Red Bull Bragantino n'a pas de problème, il est donc plus facile de penser au football, répond le jeune Alerrandro. Il est important de savoir qu'ici, nous n'avons qu'à penser à ça. Nous n'avons pas à nous inquiéter, y compris de la situation financière.» Des mots appuyés par ceux du capitaine Julio Cesar, «presque tous les clubs du Brésil ont des problèmes politiques et ce n’est pas le cas ici», et l’ambition du directeur Thiago Scuro : «Les principaux objectifs de développement sont d'avoir un terrain d'entraînement de première classe, faire du stade un endroit où les habitants de Bragança Paulista peuvent se réunir, créant une bonne journée d'événement à chaque match et créant un environnement formidable pour la communauté. Si nous construisons une structure solide sur chaque partie du club, les résultats sur le terrain deviendront apparents.»
Dias atrás eu conversava com um influente agente do mercado brasileiro. A conclusão é de que o Brasil não corre risco de uma “espanholização” do seu futebol, mas sim de algo mais impactante e real, que é a “Bayernização” do campeonato. @Flamengo
— ?????? ????? (@mottamarcos) February 16, 2020
Révolution plus ou moins assumée
Pas question, pour autant, de parler de titres et de haut tableau. RB Bragantino est presque un nouveau, iconoclaste dans le paysage brésilien, et joue le maintien. Néanmoins, les têtes pensantes avouent entre les lignes qu’il peut amorcer une métamorphose. «Révolutionner, non, enchaîne Thiago Scuro. Parce que d'autres clubs au Brésil font du bon travail en matière d'organisation. Mais je pense que nous pouvons renforcer ceci : l'infrastructure, l'organisation et la planification. C’est crucial pour développer le club et le Championnat lui-même. Si chaque club est fort, nous aurons un produit meilleur et plus attractif, c'est notre football et notre ligue.» Quant à l’opinion publique, elle reste encore peu impliquée quant à la montée en puissance de l’équipe basée près de Sao Paulo. «La presse n'aime pas, comme d'habitude, mais le public en général s'en fiche, explique Alex Sabino, journaliste. Peut-être que si le club devient une force dans le football brésilien, les choses seront différentes. Mais pour l'instant... Ils s'en foutent vraiment.» Reste à savoir si Red Bull aura des envies continentales, façon Leipzig mais version Copa Libertadores, et aussi nationales. Tout semble bien parti. Au Campeonato Paulista, qui réunit les équipes de l’état de Sao Paulo, Bragantino est leader de son groupe devant Guarani, Ferroviária et Corinthians. De bonne augure, laissant Julio Cesar enthousiaste : «Red Bull Bragantino est capable de changer la façon dont les Brésiliens travaillent dans le football.»
Antoine Bourlon Follow @AntoineBourlon
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