David Bellion ne ressemble à personne. Surtout pas à un joueur de ballon. Installé en plein quartier du Marais à Paris avec sa femme et ses enfants, l’attaquant, passé notamment par Manchester United ou Bordeaux, parle architecture, musique, mode, bouquins, expos ou musées. Sans se forcer. «J’adore prendre mon scooter et rentrer de l’entraînement par les berges de la Seine. Je prends aussi pas mal mon skate en ce moment pour profiter du soleil. Je n’ai plus de voiture. On fait beaucoup de choses à pied avec ma famille. On va se balader du côté de la place des Vosges, sur la place Saint-Georges, au sud de Pigalle. Mes enfants font des ateliers musique et dessin. Paris est une ville incroyable… C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis venu ici.» La vie ne s’arrête jamais au terrain. Le garçon déborde de projets. Loin du ballon. «J’ai fait un mood board (NDLR : collage composé d'images, de textes ou d'objets selon le choix du créateur) pour Gilles & Boissier, un décorateur d’intérieur assez connu, qui vient de refaire l’hôtel Baccarat, à New York. Je travaille aussi pour Ymer et Malta, une petite galerie parisienne. Je suis un collectionneur d’art. J’ai deux œuvres de cette maison. La fondatrice m’a proposé de représenter la galerie. J’ai dit oui tout de suite. J’adore ça. Paris me permet ce genre de choses. C’est plus facile pour moi d’apprendre un métier ici.»
«J'ai toujours détesté le côté star-système du football»
L’âge et l’expérience n’ont rien à voir avec le mode de vie. Le personnage s’est de tout temps démarqué. «J’ai toujours détesté le côté star-système du football. Je suis toujours resté sérieux dans ma carrière, mais je ne me prenais pas au sérieux par rapport au foot. Je n’ai pas inventé de vaccins. Je ne faisais que pousser un ballon avec le pied. C’est peut-être pour ça que je n’ai pas fait une énorme carrière.» Ni les yeux remplis de billets de banque. L’été dernier, il repousse quelques propositions de L1 et les gros chèques des Émirats. «Ça ne m’a jamais intéressé. Je pense que j’aurais été trop malheureux dans ces clubs-là. J’aime trop la vie urbaine. Et puis prendre des chèques comme ça n’a jamais été dans mon état d’esprit ni dans celui de mon épouse. Ça n’a jamais été ma source de motivation. Petit, ma famille n’avait pas d’argent et je n’ai pas été élevé comme ça. Cette décision n’a pas été difficile à prendre. J’avais plein d’autres projets en tête.» New York et le quartier de Brooklyn, notamment. Un autre rêve. Depuis toujours. « J’avais deux rêves dans ma carrière : jouer avec Ryan Giggs (fait à Manchester United) et finir ma carrière au New York Cosmos comme Pelé. Je suis dingue de cette ville. Pour la musique, la mode, l’art... Je la connais comme Paris. Mon agent m’avait décroché un essai là-bas. Mais ce qu’on m’avait décrit ne ressemblait pas à la réalité.» Au programme ? Un match dans un champ au coin bétonné contre une équipe de Grecs installés dans un quartier de la Grosse Pomme et quelques entraînements avec des novices. «Je ne suis pas nostalgique. Ça n’a pas pu se faire, tant pis.»
«Si je n'avais pas signé ici, j'aurais arrêté ma carrière»
Le buteur débarque finalement au Red Star, après une rencontre avec le président Haddad, en pleine fashion week parisienne. «On a un ami commun qui travaille dans une maison d’édition. On a tout de suite accroché. On se comprend, même sans se parler. Si je n’avais pas signé ici, j’aurais arrêté. L’idée de pouvoir être une toute petite pierre de son projet m’a immédiatement parlé.» Quitte à s’asseoir sur un gros salaire. «Certains amis n’ont pas compris mon choix. J’ai fait un énorme sacrifice, mais ça n’a pas été un problème. J’ai toujours fait attention pendant ma carrière. Aujourd’hui, je n’ai pas à me plaindre. Je vis à Paris, je peux inviter mon épouse au restaurant, me faire plaisir. La liberté a un prix. J’attendais avec impatience de sortir du monde pro. Je suis libre de mes mouvements, je peux profiter de ma famille. Et j’adore cette équipe du Red Star. Je n’ai jamais autant rigolé dans un vestiaire.» Ni enchaîné autant de kilomètres en bus. Le quotidien d’un club de National. «Aucun problème. Je retrouve cette ambiance que je connaissais petit. Je joue au foot pour m’amuser. Avec le Red Star, je m’éclate. Et on est bien partis pour monter en L2. Je ne connais pas cette division. Ça me fera une nouvelle découverte.» Une de plus. Avant la prochaine. Un vernissage dans l’ancienne galerie d’Yvon Lambert rachetée par Victoire de Pourtalès, une amie. «J’ai hâte, ça va être intéressant.» David Bellion ne ressemble à personne. Surtout pas à un joueur de ballon.
Olivier Bossard