17 April 2021, London - FA Cup Football, Semi-Final - Manchester City v Chelsea - Chelsea manager Thomas Tuchel celebrates with Mason Mount of Chelsea after the match - Photo: Charlotte Wilson / Offside. *** Local Caption *** (Charlotte Wilson/OFFSIDE/PRESSE SPORTS)

Comment Thomas Tuchel a mis tout le monde d'accord à Chelsea

Nouvel état d'esprit, tactique pointue et jeu intense, en quatre mois, Thomas Tuchel a requinqué les Blues au point de les emmener en finale de Ligue des Champions.

Le 26 janvier, quand la direction de Chelsea annonce le renvoi de Frank Lampard et son remplacement par Thomas Tuchel, lourdé un mois plus tôt par le PSG, le cœur des fans des Blues saigne. Comment osent-ils virer la légende du club si vite, sans lui donner le temps de redresser la barre ? Certes, l’équipe est dixième au classement mais "Frankie" aurait trouvé la solution… Quatre mois plus tard, l’Allemand à la silhouette fil de fer a conquis tous les suiveurs de Chelsea et pas seulement parce qu’il a conduit l’équipe en finale de la Ligne des champions, ce samedi à Porto, neuf années après le sacre de la bande à Drogba face au Bayern.

«Le coach est très expressif, il nous pousse»

Usé par le fonctionnement du PSG, trop politique, pas assez sportif comme il l’a laissé entendre, le technicien allemand a tout de suite régénéré l’équipe londonienne sur le plan du jeu, lui permettant de vivre un retentissant redressement. Au grand ravissement de son propriétaire Roman Abramovitch qui avait dépensé 250 M€ en 2020 pour la renforcer. Pendant des semaines, Frank Lampard, novice à ce niveau, s’était échiné en vain pour éviter le glissement des résultats. Fort de douze années de banc à haut niveau (Mayence, Dortmund, PSG), Thomas Tuchel, lui, a illico mis en place un très précis 3-4-2-1 adapté aux joueurs à sa disposition, avec le fidèle et solide Thiago Silva en chef de défense. Comme la tactique ne fait pas tout, le natif de Bavière a surtout redonné un élan au vestiaire, se préoccupant des liens humains. Il fallait insuffler de la confiance, priorité accomplie en relançant les mal aimés sous Lampard (dont Christensen, Jorginho et Rüdiger, devenu pilier défensif), en se plaçant au cœur des exercices à l’entraînement, en accordant sa chance à chacun peu importe son âge, sa nationalité ou le coût de son transfert, en allégeant les mises au vert, etc. Beaucoup de mots, d’accolades, de sourires donc, comme le confirmait le gardien de but Edouard Mendy : «Le coach est très expressif, il nous pousse. Quand nous réalisons un bon geste, un bon mouvement, il nous félicite bruyamment. Il est toujours positif et ne cesse jamais de nous encourager.»

Boostés par cette énergie positive, les Blues alignent dix matches sans défaite. Le premier revers n’intervient que le 3 avril. La remontée au classement de Premier League est significative. En Ligue des champions, les Anglais battent deux fois l’Atlético Madrid, leader de la Liga, puis sortent Porto en quarts de finale. Tout au long de cette période, Thomas Tuchel prend le temps de jauger plusieurs joueurs. N’Golo Kanté le convainc rapidement, tout comme Ben Chilwell en piston gauche. L’Espagnol César Azpilicueta reprend un rôle central. Le surdoué Anglais Mason Mount s’impose de plus en plus en milieu offensif. Adepte du contre-pressing haut, des courses de harcèlement et des transitions express, le technicien trouve des joueurs qui collent à ses principes (James, Kanté, Werner…). Cette fois, pas de résistances pour l’effort collectif et le sacrifice personnel, ce qui le change de son séjour à Paris où les princes du cru (Neymar, Mbappé, Di Maria, Icardi, Paredes, Verratti…) rechignaient trop souvent à appliquer ses consignes si nécessaires dans le football d’aujourd’hui.

Cette fois, pas de résistances pour l'effort collectif et le sacrifice personnel, ce qui le change de son séjour à Paris où les princes du cru rechignaient trop souvent à appliquer ses consignes si nécessaires dans le football d'aujourd'hui.

Le soutien constant à Timo Werner

Bien aidé par l’ampleur prise par Edouard Mendy, le technicien stabilise sa défense. Son gros chantier concerne l’attaque où il ne dispose pas d’un attaquant implacable. Jamais de plainte de sa part mais un appui sans cesse maintenu à Timo Werner (payé 50 M€ + bonus en 2020), malgré une maladresse parfois embarrassante et un maigre total de six buts en Premier League. Sauf que l’ancien de Leipzig est un combattant avec un cœur gros comme ça. Il étire les défenses par ses appels incessants, martèle les adversaires par son punch dans la profondeur, ouvre des espaces… Il sera d’ailleurs un des éléments décisifs de la demi-finale retour de C1 contre le Real Madrid (2-0), une activité de dingue et un but à la clef. Ce soir-là, un autre Allemand, Kai Havertz, s’est montré à la hauteur de la confiance de son entraîneur. Pas aisé de trouver les ressorts pour libérer un jeune homme de 21 ans, novice à ce niveau, acheté si cher (80 M€ + bonus), Thomas Tuchel y est parvenu, jouant sur la concurrence dans ce rôle de dynamiteur offensif guigné aussi par Christian Pulisic et Hakim Ziyech. Face aux hommes de Zinédine Zidane, les Blues ont récité une partition sans faille, confirmant la science tactique de l’Allemand. Récemment, The Athletic citait un titulaire sous le charme : «Quand nous entrons sur le terrain, nous savons exactement ce que nous devons faire, nous savons ce que notre adversaire direct va faire, cela renforce notre motivation.»

Ce moment Tuchel qui dure a montré quelques signes de faiblesse récemment, avec trois défaites depuis le 12 mai. La vapeur commencerait-elle à manquer dans les turbines ? Chelsea s’est ainsi incliné en finale de la FA Cup face à Leicester (0-1) par faute de peps, d’imagination et d’un pur buteur. Thomas Tuchel a aussi subi une sévère montée de suée lors de l’ultime journée de Premier League mais la quatrième place accrochée de justesse, synonyme de C1 la saison prochaine, conforte la réussite de sa méthode. Reste le duel face à Pep Guardiola, gourou d’un Manchester City favori logique samedi soir sur le toit de l’Europe… En attendant, Thomas Tuchel a déjà fixé la priorité du prochain recrutement des Blues. Sur la liste, figurent Haaland, Lukaku, Kane et Lewandowski. Ça promet.

Christophe Larcher