Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi : le débat de nos deux journalistes
Trois arguments chacun pour déterminer qui de Cristiano Ronaldo ou de Lionel Messi est le meilleur. Alors que les deux géants se retrouvent lors de cette dernière journée de la phase de groupes de la Ligue des champions qui voit s'opposer la Juventus Turin et le FC Barcelone, le débat fait rage.
Cristiano Ronaldo
Il a clairement pris l'ascendant depuis cinq ans
Depuis 2013, Cristiano Ronaldo a remporté deux fois plus de fois (quatre) le Ballon d'Or France Football que son rival de toujours. Mais c'est au tournant de la saison 2015-2016 que le vent semble avoir (définitivement ?) tourné pour se placer dans le dos du Portugais. Depuis la dernière fois que Lionel Messi a gagné la Ligue des champions, CR7 a soulevé trois fois la plus prestigieuse des compétitions de clubs, inscrivant 53 buts dans l'épreuve sur les cinq dernières éditions (130 au total). Pendant ce temps-là, Messi (38 buts sur la période soit 15 de moins) s'est étrangement défilé lorsque cela comptait le plus, notamment lors des deux remontadas subies par le Barça sur les deux avant-dernières éditions de la C1 (face à la Roma et Liverpool) et face au Bayern (défaite 8-2 cet été). Non content d'enfiler les buts comme des perles avec le Real Madrid et la Juventus, Ronaldo a également soigné ses stats - et sa légende - avec le Portugal, conduisant sa sélection vers le premier trophée majeur de son histoire (l'Euro 2016) avant de lui offrir la première édition de la Ligue des nations (voir plus bas). Pour faire simple, Cristiano a empilé 3 Ligue des champions, deux trophées internationaux, une Liga et deux Scudetti (sans même parler des supercoupes et autre mondial des clubs) depuis la saison 2015-2016 tandis que Messi n'a remporté que trois Championnat d'Espagne sur la période. Vous avez dit jour et nuit ?
Il a conduit sa sélection tout en haut
Serpent de mer en Argentine, le pourquoi du comment Lionel Messi n'y arrive pas avec l'Albiceleste n'intéresse personne au Portugal. Tout simplement parce que le parallèle avec Cristiano Ronaldo n'a pas lieu d'être. Auteur de 101 réalisations (!) en 167 sélections, le numéro 7 a d'ores et déjà pour lui d'avoir conduit sa sélection vers le premier trophée international de son histoire en 2016 puis de lui avoir permis de remporter la Ligue des nations trois ans plus tard. En France, s'il avait dû céder sa place prématurément lors de la finale, la star n'avait pas tremblé au moment de ramener les siens à hauteur de la Hongrie (3-3, doublé) pour se hisser en huitièmes. Pas plus que lors d'une demi-finale où il s'était élevé plus haut que tout le monde pour montrer la voie (2-0 face au Pays-de-Galles). Bis repetita en 2019, face à la Suisse cette fois, toujours lors de l'avant-dernière marche. Face à la Nati, brassard au bras, Ronaldo y va tout simplement de son triplé. Le tout pour mieux rendre banal ce qui ne l'est pas, en témoignent les échecs successifs de Messi en Amérique du sud. Autre élément plaidant en faveur du Portugais ? Sa propension à repousser le déclin. Depuis qu'il a fêté ses trente ans, Ronaldo a inscrit 48 buts en... 47 sélections. De quoi envisager la suite sereinement ? Alors que l'Euro 2021 se rapproche à grand pas et que la Coupe du monde ne se jouera qu'une grosse année plus tard, ceux dont le cœur bat pour Messi n'en ont peut-être pas fini d'envier le camp d'en face.
Il a brillé dans des équipes moins huilées que celles de l'Argentin
D'aucuns prétendent que Lionel Messi a autant profité de la domination du FC Barcelone que l'inverse lorsque les Catalans étaient au sommet (ce qui commence à dater). Loin de nous l'idée de rentrer dans ces débats mais force est de constater que la Pulga n'a jamais brillé ailleurs que dans son cocon et qu'il a été incapable de porter son équipe de toujours au sommet depuis que le Barça ne dicte plus le tempo de chacune de ses rencontres. Pendant ce temps-là - et alors que Messi n'a pas inscrit le moindre but ni délivré la moindre passe décisive dans un Clasico depuis que Ronaldo a quitté Madrid -, le Portugais fait le bonheur d'une sélection qui commence tout juste à devenir sexy et empile les buts avec une Vieille Dame boitillante dans une Serie A pourtant pas réputée pour laisser les portes ouvertes. Le constat était déjà valable à la Maison Blanche, y compris lors des trois triomphes européens consécutifs : qu'importe le niveau d'emprise sur les rencontres de l'équipe dans laquelle il évolue, CR7 marque et fait gagner les siens. A tel point que de Manchester à Turin, en passant par Madrid ou Lisbonne, la question ne s'est jamais posée de savoir si c'était le collectif qui bonifiait Cristiano Ronaldo ou l'inverse...
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Lionel Messi
L'artiste, le seul
Messi, c'est un peu d'enfance qui ressurgit. C'est avec un émerveillement permanent, une candeur trop longtemps délaissée que l'amoureux du football a le privilège de s'asseoir sur son siège pour savourer. Le temps d'un contrôle orienté, d'une passe enrobée de douceur, la Pulga rappelle à tous pourquoi nous aimons tant le football et ses circonvolutions font oublier pendant 90 minutes le reste du monde. Ces instants fugaces, il faut encore les déguster tant qu'il en est encore temps. Car de nos souvenirs de passionnés du ballon rond, quand nous deviendrons des vieux cons, ressurgiront la légende de Messi que nous nous devons d'écrire pour les futures générations. Oui, putain, nous avons vu joué Lionel Messi. Et comme pour tous les grands évènements qui ont fondé l'histoire du foot, on ne réalise pas encore ce que nous sommes en train de vivre. Saleté de recul. Interstellaire, ce Rosarino quand il s'en va faire défier des adversaires. Inimitable Leo dans ses gestes de dentelière. On ne devient pas un génie. On naît comme tel. Et l'étincelle ne s'allume pas ainsi en soulevant de la fonte ou en dessinant au burin sa ceinture abdominale. Messi est un artiste. Il est unique. Il est l'élu. Profitons-en tant qu'il est encore temps.
L'homme d'un seul club, d'une seule ville et de toute une nation
«Messi es Barcelona. Barcelona es Messi.» Cet été, ce cri s'est envolé dans le ciel de la cité catalane. Le cœur lourd, les socios blaugrana ont cru dire adieu à l'idole. Dégoûté par les affronts successifs et la gestion calamiteuse du président Bartomeu, Lionel Messi a pensé le temps d'un instant que son histoire ne s'écrirait plus au Camp Nou. La douleur de la rupture était sans doute trop forte et Leo a fait volte-face, comme tout humain. La peur de tout quitter ? Peut-être. Mais pourquoi détruire sciemment une telle relation fusionnelle ? Messi comme Maradona incarne son club. Il a été de toutes les folies. D'un Barcelone ronaldinhesque à un Barça humilié face au Bayern en passant par la révolution Guardiola et les temps compliqués sous Valverde. Messi n'a pas lâché l'amour de sa vie et c'est tout à son honneur dans un monde où, devant la moindre difficulté, il est désormais coutume de lâcher le manche et de se fourvoyer en croyant que l'herbe est plus verte ailleurs. Messi incarne le Barça mais aussi son pays, l'Argentine. Colosse mondial aux pieds d'argile. Feu sacré éternel. Dans le bouillonnant pays de Gardel, rien ne lui est pardonné. Mais quand on aime, on se dit tout et on lave le linge sale en famille. La Pulga a encore quelques années pour briser la malédiction et ramener enfin un trophée à tout un peuple. C'est écrit.
Une marque indélébile
Que retiendrons-nous dans quelques années ? L'amoncellement de trophées, les entraînements à répétition, les célébrations en gueulant comme un putois ? Les émotions. Oui. Encore elles. Toujours elles. Celles qui vous traversent le corps et vous font hérisser le poil. Celles d'un but, d'une passe, d'une explosion de stade. Celles d'un patrimoine sur lequel on se retourne et que l'on peut regarder fièrement. Messi est déjà dans l'histoire. Avec un grand H. Dans les premières pages du grimoire de l'histoire du foot figureront le Brésil 1970, la Hongrie 1954 et allez soyons chauvins, l'équipe de France 1982. Au milieu de ces onze lumineux, une place sera gardée bien au chaud pour le Barça de Messi et de Guardiola. De ce jeu de passe inénarrable, de ces intentions offensives alléchantes, de ce Lionel Messi marchant sur l'eau dans une équipe qui marchait sur la planète entière. La Pulga n'a jamais revendiqué pouvoir mener à lui seul son équipe. Il est humain, pas robotique. Et de la symphonie qu'il peut jouer dépend fortement l'orchestration qu'il a derrière lui. Cette équipe-là, on ne l'oubliera et la patte de Messi restera à jamais dans les annales. Collectivement. En équipe. Le football.
Johan Tabau Suivre @Jtabau et Thymoté Pinon Suivre @ThymPinon