22 October 2019, London - UEFA Champions League - Tottenham Hotspur v Crvena Zvezda - Tottenham manager Mauricio Pochettino - Photo: Charlotte Wilson / Offside. (Charlotte Wilson/OFFSIDE/PRESS/PRESSE SPORTS)
Espanyol Barcelone, Southampton, Tottenham, PSG... La story de coach Mauricio Pochettino
A 48 ans, Mauricio Pochettino (514 matches dirigés pour 235 victoires) va découvrir son quatrième club en un peu plus de dix ans d'expérience comme entraîneur. Et à Paris, ce coach aux méthodes et principes loués va avoir un principal défi : garnir enfin un palmarès bien trop vide au regard de son parcours. FF refait sa story.
Janvier 2009. L'hiver est chaud du côté de Barcelone. Pas au Camp Nou, non, plutôt dans la banlieue de la ville, aux alentours de l'enceinte de Cornella-El Prat. C'est ici que l'Espanyol Barcelone s'apprête à inaugurer son nouveau stade de 42 000 places d'ici six mois. Et le club catalan, en pleine crise de résultats, décide de changer d'entraîneur pour la deuxième fois, déjà, de la saison ! Si Bartolomé «Tintin» Marquez, ancienne gloire du club à son époque de joueur, avait été promu numéro 1 à l'été 2008, il ne résiste pas et est vite remplacé en fin d'année. Alors qu'on parle de Luis Fernandez pour lancer l'opération sauvetage (l'Espanyol est alors dans la zone rouge), c'est José Manuel Esnal, dit Mané qui est choisi le 6 décembre. Sans plus de résultats : six matches, aucune victoire. La formation espagnole est à cinq points du premier relégable. C'est la panique. Le 20 janvier, l'Espanyol change encore et lance un entraîneur de 37 ans qu'il a bien connu à son époque de joueur : Mauricio Pochettino, dont les inspirations se nomment Jorge Griffa, Marcelo Bielsa, José Antonio Camacho ou Luis Fernandez, prend les clés. Son expérience sur un banc jusque-là : avoir dirigé la section féminine de l'Espanyol pendant six mois. «Ça lui a beaucoup plu, disait Lara Rabal, une de ses joueuses, dans L'Equipe Magazine. Et il s’est énormément impliqué cette saison-là. Il a été très utile.»
Pochettino, époque Espanyol. (AS/CORDON/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)
Joue-là comme Barack
Le même jour de la nomination de Pochettino, Barack Obama est intronisé nouveau président des Etats-Unis avec son fameux slogan : «Yes we can.» Pochettino, lors de sa présentation, emprunte à Obama la citation suivante : «Si nous restons unis, nous pourrons y arriver.» Dani Sanchez, le président du club, est convaincu de son choix : «Il y a urgence et Pochettino est celui qui connaît le mieux les problèmes que nous traversons (...) J’attends de Mauricio qu’il redonne aux joueurs le sens des valeurs et assez d’orgueil pour défier une équipe en pleine réussite.» Il faut dire qu'à l'époque, Mauricio Pochettino est le joueur étranger à avoir le plus disputé de rencontres avec le maillot de l'Espanyol. L'Argentin avait en effet débarqué en 1994 d'Argentine en Catalogne pour y rester six ans, avec 275 rencontres à la clé. En 2019, alors que Mauricio Pochettino atteint la finale de la Ligue des champions avec Tottenham, le club de l'Espanyol lance une opération et offre le flocage Pochettino à ceux qui achètent le maillot du club. A la même époque, Joan Collet, ancien président, n'hésite pas à dire que l'Argentin a la même importance à l'Espanyol que Cruyff ou Guardiola au Barça. C'est dire.
Quelques semaines ont suffi à Mauricio Pochettino pour montrer ses qualités avec le Southampton de Lallana. (Mark Leech/OFFSIDE/PRESSE SPOR/PRESSE SPORTS)
Qu'importe, le lendemain de sa nomination : premier match et premier sommet : quart de finale aller de Coupe du Roi face au Barça de Pep Guardiola, justement ! Et malgré l'entrée de Lionel Messi à un quart d'heure du terme, les Periquitos accrochent le nul (0-0). Avec, déjà, certaines convictions pour Mauricio Pochettino : ils demandent à ses joueurs d'aller presser haut les Blaugrana. «Les yeux de mes joueurs étaient grands comme ça, racontait-il. D’où m’était venue cette idée de les presser ? C’est une affaire de personnalité. Sur le terrain, tu montres qui tu es. Si tu es courageux dans ta vie, tu ne peux pas être différent sur le terrain. Je ne sais pas jouer autrement. Être courageux, toujours. J’aime ça.» Un mois plus tard, cette fois en Liga, alors que l'Espanyol est dernier, Pochettino obtient sa première victoire sur un banc en allant gagner avec les siens au Camp Nou ! Premier derby remporté par l'Espanyol depuis 27 ans dans l'enceinte blaugrana ! Et quand on pense que le FC Barcelone va être le premier adversaire de Mauricio Pochettino en Ligue des champions comme entraîneur du Paris Saint-Germain, cela sera forcément particulier. «Il est impossible que j'entraîne le Barça, avait-il d'ailleurs lancé dans Marca en 2018. Les valeurs de l’Espanyol ne sont ni meilleures ni pires que celles du Barça, mais différentes. Je serai toujours espanyolista et entraîner le Barça serait une forme de trahison personnelle.»
«Sur le terrain, tu montres qui tu es. Si tu es courageux dans ta vie, tu ne peux pas être différent sur le terrain. Je ne sais pas jouer autrement. Être courageux, toujours. J'aime ça.»
L'impact de Bielsa
Grâce à une fin de saison remarquable avec huit victoires sur les dix derniers matches, l'Espanyol Barcelone s'offre un maintien à la 10e place et Mauricio Pochettino est lancé. Fils et petit-fils de paysans de l’État de Santa Fe en Argentine, Pochettino a toujours en tête certains principes de Marcelo Bielsa, qui le fit venir à Newell’s Old Boys quand il avait 14 piges («Avoir Bielsa, c’est comme aller à l’université», disait Pochettino). C'est même Bielsa qui avait dû convaincre les parents de Pochettino pour qu'ils le laissent rejoindre la ville de Rosario et le club des «lépreux». Avec le maillot rouge et noir, Pochettino côtoyait d'autres jeunes d'avenir, dont Batistuta, Sensini ou Berizzo, avant de remporter, avec Bielsa, deux titres nationaux, en 1990 et 1992. Un Bielsa qu'il recroisait d'ailleurs quelques mois sous ses ordres à l'Espanyol. A Barcelone, une fois la frayeur du maintien écartée, l'entraîneur argentin n'hésite pas à miser sur le centre de formation (Osvaldo, Alvaro, Victor Ruiz, Javi Marquez). Quitte même à laisser partir sans regret Raùl Tamudo, légende du club, en 2010. Hors terrain, il a également été marqué par le terrible décès de Dani Jarque en août 2009, lors d'un stage d'avant-saison. A 26 ans, Jarque, que Pochettino avait nommé capitaine malgré une pression de quelques membres du vestiaire, avait été victime d'un arrêt cardiaque dans sa chambre à Florence.
Onzième en 2009-10 (avec la plus mauvaise attaque du Championnat), huitième en 2010-11, avant une quatorzième place en 2011-12. Sans atteindre des sommets, donc, l'Espanyol n'ayant jamais vraiment disposé d'énormes moyens financiers. Mais avec toujours une place indéniable dans le coeur des supporters. En mars, le président de l'Espanyol, qui doit réduire une dette de 160 millions d'euros, annonce que l'ensemble de l'effectif sera placé sur le marché des transferts. En novembre, Pochettino quitte le club.
Moins de quatre mois plus tard, le 18 janvier 2013, il remplace Nigel Adkins, qui avait fait monter le club deux fois en deux saisons, sur le banc de Southampton. Au début de son aventure au St Mary's Stadium, l'histoire veut que la première phrase apprise par Pochettino, pas encore si à l'aise avec la langue de Shakespeare, serait : «Pressez plus haut, p… , bande de c…», comme le racontait FF à l'époque. Manchester City, Liverpool, Chelsea : ils tombent tous face à un Southampton pourtant mal classé lorsque Pochettino arrive, mais qui se sauve aisément. Les Saints deviennent alors l'équipe plaisir de Premier League, qu'on a envie de regarder. Avec bien sûr un Pochettino pas étranger à cela. En novembre 2013, Southampton est sur le podium du Championnat. Pochettino dispose alors de la meilleure moyenne de points par match pour un entraîneur du club en première division. Lallana, Shaw, Cork, Ward-Prowse, Schneiderlin, Clyne, Pochettino bonifie son effectif. A l'image aussi de Rickie Lambert, titulaire alors qu'il était déjà là en D3. «L’arrivée de Mauricio Pochettino a changé pas mal de choses, disait d'ailleurs Schneiderlin dans France Football. Il aime évoluer en 4-2-3-1, avec deux récupérateurs, dont l’un monte en permanence. En plus, il a instauré un pressing qui nous permet de récupérer la balle plus haut, donc de nous projeter plus vite vers l’avant (...) Il veut que ses joueurs aient les poumons et un coffre de fou, tout en les faisant jouer au ballon. Avec lui, tous nos matches, ou presque, ont été de qualité.» Après une très belle huitième place en 2013-14, 60 matches dirigés (pour 23 victoires et une moyenne de 1,45 but par rencontre) Mauricio Pochettino monte d'un cran et file à Tottenham. Avec l'ambition de ramener un peu de stabilité au sein d'un club qui a vu défiler André Villas-Boas et Tim Sherwood en moins d'un an et demi.
En 2019, Pochettino atteint évidemment l'autre sommet de sa carrière : qualifié de justesse lors de la phase de groupes face à l'Inter (3e) et le Barça (1er) après avoir perdu ses deux premières rencontres, le Tottenham de l'Argentin va vivre une phase finale absolument incroyable. Et deux rencontres entrées dans la légende du club : la folle défaite 4-3 à Manchester City en quart de finale retour, qui permet aux Londoniens de passer après le succès 1-0 de l'aller. Et, surtout, la remontée d'Amsterdam. Le revers à la maison en demi-finale aller face à l'Ajax, l'élimination qui se dessine quand les Néerlandais mènent 2-0 à la demi-heure de jeu au retour. Puis le triplé fou de Lucas Moura. Avant la chute si frustrante, en finale, à Madrid, devant Liverpool (0-2). Moins de six mois plus tard, incapable de trouver un nouveau souffle à toute son équipe, Pochettino prend la porte (293 matches dirigés, 159 victoires). Un scénario étrangement similaire à la destinée de Thomas Tuchel, qu'il va remplacer sur le banc du Paris Saint-Germain. T.C.
«Le football, c'est transmettre de l'émotion»
Première saison : une cinquième place, à six points de la Ligue des champions, avec une défaite en finale de League Cup face à Chelsea (0-2). Avant un exercice 2015-16 qui va atteindre un premier sommet. Car le Tottenham de Mauricio Pochettino est le seul à réussir à s'accrocher au phénomène Leicester. A quatre journées du terme, les Foxes ne sont qu'à cinq points, mais Tottenham s'écroule (deux nuls, deux défaites) et termine même troisième. Deuxième en 2016-17 à sept points de Chelsea, (Tottenham n'avait pas été classé aussi haut depuis cinquante ans au terme d'une saison), Pochettino ne parvient décidément pas à accrocher un titre. Néanmoins, Chelsea et Manchester United sont prêts à lui confier leur banc. Installé comme un manager référence dans le football moderne, Mauricio Pochettino raconte quelques uns de ses principes en 2017 dans L'Equipe : «Le football, c’est transmettre de l’émotion. C’est un sport merveilleux qui nous transporte. On ne transmet pas seulement un résultat, on transmet des sentiments. L’élaboration transmet parfois beaucoup plus d’émotions qu’un résultat. En fait, tout dépend de la façon dont tu ressens les choses, de la façon dont ton groupe vit. Ensuite, tout le développement, jusqu’à obtenir un résultat, doit être une forme de synchronisation, comme un orchestre. Parce qu’en définitive tout ce que tu cherches à traduire, ce sont des émotions. On ne peut pas séparer les deux.» En 2018, L'Equipe rapporte un intérêt du... PSG. Le Real Madrid penserait également à lui pour succéder à un Zinédine Zidane partant. Mais Pochettino, malgré un président, Daniel Levy, qui ne lui accorde que peu de flexibilité sur le marché des transferts, termine 3e de Premier League en 2017-18, puis 4e en 2018-19. Avec toujours autant cette capacité à faire progresser ses équipes et ses individualités. Kane, Son, Alli, Dier, Rose, Eriksen, Trippier... Impossible de tous les citer du côté de Londres ! «Il est l’un des meilleurs managers du monde», osera dire sans problème Pep Guardiola. «Mauricio Pochettino, he’s magic, you know», chantent sans arrêt les fans des Spurs. «Il a ce côté fédérateur, rassurant, loue Hugo Lloris dans L'Equipe. Il y a des choses, d’ailleurs, que je retrouve aussi chez Didier Deschamps : ils ont cette force de créer un groupe et de t’emmener avec eux .»
Pep Guardiola : «Il est l'un des meilleurs managers du monde»