Fabien Centonze (FC Metz) : «Franchement, on ne s'attendait pas à être là»
Confortablement installé à la dixième place, le FC Metz réalise une saison plus que satisfaisante. Dans ses rangs, Fabien Centonze est en train de signer un exercice solide en défense. Le natif de Voiron creuse avec FF sur son poste de défenseur droit et les progressions qu'il peut encore entrevoir.
«Vous l’ancien milieu, vous souvenez-vous du jour où vous avez reculé d’un cran ?
J’étais censé intégrer le groupe CFA avec l’Evian Thonon Gaillard. Le club venait tout juste de descendre de Ligue 1 et beaucoup de monde était parti. Alors, l’ETG a fait appel à beaucoup de jeunes dont moi. On a fait toute la prépa avec le groupe pro et petit à petit, les joueurs regagnaient leur catégorie. De mon côté, j’ai continué et la dernière semaine avant Nîmes, pour l’ouverture du Championnat, il y a eu un blessé, un suspendu : par chance, les deux étaient arrières droit. L’entraîneur, Safet Susic, vient me voir et me dit : "Sois prêt tu vas démarrer."
Est-ce qu’on boude un peu de devenir défenseur quand on est un profil offensif à la base ?
Je m’en foutais. J’étais tellement content de commencer que même si ç’avait été gardien... J’ai joué et j’ai fait un bon match. J’ai disputé la quasi-totalité de la saison à droite et à gauche pour dépanner. Une fois arrivé à Clermont, j’ai repris mon poste de milieu excentré mais je comblais les absences des latéraux des deux côtés. Puis, j’en ai eu marre de jongler. Je suis allé voir la coach Corinne Diacre et je lui ai dit que j’aimerais me poser. Elle a accepté et depuis, c’est devenu mon poste de prédilection.
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Ca vous faisait un peu flipper de devenir un "bouche-trou" à cause de cette polyvalence ?
Du moment que je jouais, au début, j’étais content. Mais à la longue, j’ai senti ce besoin d’avoir un poste attitré, cette envie de me concentrer et de m’améliorer spécifiquement.
Vous aviez de grosses lacunes ?
Oui, il y avait pas mal de choses qui n’allaient pas au départ franchement (rires). Surtout les alignements avec la défense. Souvent, je couvrais les hors-jeux et les attaquants. Ou alors, j’étais trop porté vers l’avant et j’oubliais de défendre. C’est des choses qu’il fallait vite que je règle parce que ça ne pardonne pas et tu le paies cash.
Est-ce que finalement jouer piston droit, comme avec Metz actuellement, ce n’est pas le poste idoine ?
A cinq derrière, c’est un système qui me plaisait déjà à Lens même si on a joué la quasi-totalité de la saison (NDLR : 2018-19) à quatre derrière. On a commencé à jouer à cinq en barrages plus tard. A Metz, au début, on était sur une défense à quatre aussi. Mais avec le coach Antonetti, ça a rapidement basculé à trois centraux. Je suis content, ça me convient plus et ça permet de mettre mes qualités en avant. Si on a parfois du mal à revenir défendre, il y a toujours un mec qui peut couvrir.
«Je dois encore améliorer la qualité de mes dernières passes»
Ca change quoi fondamentalement pour vous ?
J’ai l’impression que ça ne change pas beaucoup de choses. Ce qui m’aide le plus par rapport à une défense à quatre, c’est qu’on peut souvent se retrouver en deux contre un sur le côté alors qu’à trois centraux, ça coulisse plus côté ballon. Le central droit est beaucoup plus proche de moi et il peut prendre une couverture s’il y a un ballon dans mon dos ou il peut toujours intervenir si moi je me fais passer. On est assez proches les uns des autres.
Quels ont été vos principaux axes de progression ?
Honnêtement, je n’ai pas forcément travaillé quelque chose en particulier depuis le changement tactique. On a fait des mises en place, on fait des jeux où on joue à cinq... Je m’adapte assez facilement.
C’est offensivement que ça se voit la différence ?
Moi, j’ai quelqu’un devant moi sur le terrain. On joue dans un système qu’on appelle hybride. Sur le côté gauche, le latéral a tout le couloir et moi à droite, j’ai souvent quelqu’un sur le côté. Ça veut dire qu’à certains moments, Lamine Gueye s’écarte énormément et je ne peux pas prendre le couloir. Comme quand tu as un ailier devant toi avec une défense à quatre. Mais je suis tout de même plus haut qu’un arrière droit. Mon jeu demande plus offensivement. J’essaie de dédoubler, de demander le ballon… Parfois, je pousse Lamine intérieur pour pouvoir prendre le couloir. Je dois prendre beaucoup d’initiatives.
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Qu’est-ce qui vous manque encore pour être un piston affirmé ?
Je dirais la qualité dans la dernière passe. J’aimerais être plus décisif sur les centres, devant le but tout simplement et peut-être aussi avoir une meilleure gestion défensive des un contre un. En face, il y a des joueurs de qualité, ce n’est jamais évident. Je dois être plus proche. J’ai tendance à être assez éloigné, à leur laisser prendre le couloir et après, avec ma vitesse, j’interviens sur eux. Il faut gommer ça et intervenir plus promptement.
Comment matérialise-t-on cette progression ?
Le plus intéressant, c’est d’intervenir sur le temps de passe. Pour éviter que le mec sur son contrôle te mette dans le vent. Le harceler et être au contact. S’il contrôle, avance et prend de la vitesse, même si des fois t’es rapide, le temps que tu te retournes, c’est trop tard. Comme je disais, intervenir sur les temps de passe. Il peut foirer son contrôle, faire deux-trois touches pour se mettre le ballon complètement. Être au contact et l’emmerder.
«Quand le coach Antonetti est arrivé, il a hissé des objectifs qui nous semblaient inatteignables»
Vous vous êtes senti en difficulté face à un joueur cette saison ? Si oui, qui donc ?
Je dirais Angel Di Maria. Il m’a mis en difficulté au tout début de la saison. Il est hyper important pour leur équipe. Au niveau des appuis, il est insaisissable, il fait des petites feintes, il va te faire un petit crochet puis t’en refais un autre derrière. Il te sorts des feintes de centre… Plein de petites choses qui font que tu peux facilement tomber dans le panneau.
Vous vous attendiez à voir le FC Metz à cette hauteur-là cette saison ?
L’objectif, c’était le maintien. Après, quand le coach Antonetti est arrivé, il a direct hissé des objectifs qui nous semblaient inatteignables. Il avait dit : "Moi, je veux cinquante points minimum". A cette époque-là, on était un peu en galère quoi… (Rires) En fait, avec ce système, l’enchaînement des bons matches, le fait d’être dans la première partie de tableau… L’objectif est presque acquis. C’est bien pour le club, pour nous. Franchement, on ne s’attendait pas à être là. On veut gratter le maximum possible pour terminer dans le classement à un chiffre.
Pour huiler tout ce collectif, vous avez bouffé de la vidéo ?
On en fait énormément en effet. Avant les entraînements, j’abuse pas hein, mais on fait bien une heure et quart, une heure et demi de vidéo. Des fois même deux-trois fois dans la semaine. Pas forcément que sur l’adversaire d’ailleurs. On le visionne mais on visionne aussi nos matches. Le coach arrête souvent pour dire : "Voilà, regarde les solutions qu’il y avait», «Regarde ce qu’il aurait pu se passer si on avait joué intérieur"... Il essaie de nous sensibiliser là-dessus et de nous faire progresser.
Quelle est la remarque que le coach Antonetti vous a le plus fait depuis le début de saison ?
Sur la qualité de centre. Des centres qui n’arrivent pas dans la bonne zone. Je ne me cherche pas d’excuses mais je trouve que cette année, on est très peu nombreux dans la surface aussi pour inquiéter. C’est ce qu’il m’a le plus souvent reproché ouais.
Vous en discutez ensemble avec vos coéquipiers de ce manque de présence dans la surface ?
Oui souvent. On pourrait améliorer encore plein de choses. Comme par exemple, le latéral opposé qui peut intervenir pour fermer la porte. Les deux attaquants, un milieu... Des fois, on centre et il n’y a qu’un seul mec. Le centre peut paraître bon mais s’il est pas au millimètre près sur la tête du gars bah… on dira que c’est un centre raté.
«Je ne me cherche pas d'excuses mais je trouve que cette année, on est très peu nombreux dans la surface sur les centres»
Comment on progresse sur les phases de centres ? On bosse sur sa manière de brosser le ballon, quelle surface du pied utiliser etc… Ou ce sont les attaquants qui font le plus de travail ?
Ceux qui travaillent le plus sur ça, ce sont les attaquants. Eux, ils ont un cheminement à faire avant de venir devant le but. Soit un appel contre-appel, soit une course un peu lente à la base et une projection à faire derrière. Nous, on a juste à pousser le ballon et centrer concrètement. Des fois on centre arrêté, car ça peut nous arriver en match. Des fois, on pousse le ballon jusqu’à la ligne pour le redresser…
Honnêtement, vous savez exactement où vous allez mettre le ballon à la base ?
(Rires) Ça dépend des situations. Quand je vois que l’attaquant se projette, j’essaie de mettre le ballon dans l’espace entre le gardien et le défenseur. Je me dis qu’il peut couper à cet endroit-là. Quand il y a de la densité, j’essaie de viser la zone où il y a l’attaquant… Les gens ne se rendent pas forcément compte à quel point c’est dur de la mettre directement sur la tête. Après, s’il y a deux trois joueurs en plus dans la surface, même si tu rates l’attaquant visé, ça peut tomber sur quelqu’un d’autre. D’où l’importance du nombre.
Fabien Centonze est-il arrivé à maturité à 25 ans ?
Je pense que j’ai progressé déjà entre l’année dernière et cette année mais surtout par rapport à il y a deux ans. Entre mon niveau d’il y a deux ans et celui d’aujourd’hui, je pense qu’il y a un palier de franchi honnêtement mais je me qualifierais toujours d’assez timide. Je ne suis pas quelqu’un à aller directement vers les autres. Je suis plutôt quelqu’un qui va observer ce qu’il se passe d’abord et après je vais un peu vers les gens. Sur le terrain, j’ai pris un peu plus d’assurance mais en dehors, je reste réservé. A ce niveau-là, t’as pas le choix de te faire violence là-dessus.
Comme depuis plusieurs années et pour franchir des paliers, vous manquez peut-être de concurrence. Même si Thomas Delaine vous a suppléé parfois…
"Ne jamais être trop dans mon confort", je me le répète souvent. Je ne me mets pas en concurrence avec Thomas car il est arrière gauche, il peut dépanner. En effet, ça fait bientôt trois ans et que je joue et qu’il n’y personne à ce poste-là. Ça peut être pas bien. Dans le sens où des fois on peut avoir l’impression de se reposer sur ses acquis. Après une mauvaise prestation, on peut peut-être se dire : «C’est pas grave, le match d’après, je vais jouer.» Au tout début à Lens, je pensais comme ça. Je ratais des entraînement, mais bon : "Tant pis, derrière je vais jouer." Ce n’est pas du tout comme ça qu’il faut penser. C’est terminé.»
Johan Tabau Suivre @Jtabau