L'homme de la situation - L'humeur du jour, par Mélisande Gomez

L'humeur du jour.

En général, dans l'exercice de votre métier, les actions que vous faites ont des conséquences attendues. Par exemple, si vous êtes boulanger et que vous oubliez les baguettes dans le four, elles seront trop cuites. Une cause, un effet, tout va bien. Mais il est un métier qui échappe à la logique, où les mêmes actions peuvent avoir des résultats diamétralement opposés, où ce qui marche le lundi peut échouer le marcher et remarcher le mercredi, mais pas aussi bien que le jeudi : c'est le métier d'entraîneur.

La compétence d'un entraîneur est un concept abstrait, impalpable, qui va et vient comme la météo. Quand vous pensez enfin la tenir, elle s'enfuit ou dégringole, et le grand d'entraîneur d'un jour n'est pas celui du lendemain. L'entraîneur fait sa carrière de club en club au gré de ces contigences, il sait combien il est fragile et il connaît le scénario. Quand il arrive, il est l'homme qui tombe à pic ; puis, quelques mois ou, au mieux, quelques années plus tard, il est l'homme dont l'équipe tombe à pic.

Il est encore sous contrat, parce que son président l'a prolongé tout sourire, à l'époque bénie où il était un bon entraîneur. Mais aujourd'hui, son président n'en veut plus et, en général, il ne veut pas non plus lui payer trop d'indemnités, alors il lui demande gentiment de démissionner. L'entraîneur refuse, évidemment, et son président si élogieux au moment de le recruter (« C'est vraiment l'homme de la situation ») lui casse du sucre sur le dos (« Il est perdu, ce n'est tout simplement pas l'homme de la situation »).

Ce n'est pas l'homme qui change, pourtant, c'est seulement la situation. Même quand les choses tournent dans le bon sens, d'ailleurs, l'entraîneur doit parfois se demander pourquoi. Il durcit le ton dans le vestiaire, l'équipe perd, il lit qu'il est trop dur et pas assez humain. Il durcit le ton dans le vestiaire, l'équipe gagne, il lit qu'il a bien fait, que le groupe respecte son autorité. À la fin, il ne sait plus s'il est un bon entraîneur ou pas.

Ce qui peut aussi être une question de géographie, d'ailleurs. Prenez Patrick Viera : à Nice, non, il n'est plus l'homme de la situation. Mais à Nantes, oui, il pourrait être l'homme de la situation. Ce qui interroge : Gourcuff devrait-il signer à Nice, ou bien le charme n'opère-t-il plus que dans le sens est-ouest ? Bref, difficile de faire métier plus complexe, et qu'on ne vienne pas les blâmer, après, s'il préfèrent le 4-4-2 et prennent les matches les uns après les autres.