Ligue 1 : Comment les supporters et les ultras ont vécu l'année 2020
Mis à l'écart par la pandémie de Covid-19, les supporters et les ultras doivent en ce moment vivre leur passion du ballon rond loin des tribunes. Pour FF, certains d'entre eux reviennent sur cette année si spéciale.
«Psychologiquement c'est difficile, on doit réapprendre à vivre sans cela après 25 ou 30 ans de supportérisme»
Après cette décision de la LFP s’en sont donc suivis de long mois où ces passionnés, qui avancent habituellement avec le football à leurs côtés, ont découvert un nouveau quotidien. «Le samedi ou le dimanche, on savait qu’on allait retrouver ses potes et évacuer toute cette pression que l’on accumulait la semaine au travail. Psychologiquement c’est difficile, on doit réapprendre à vivre sans cela après 25 ou 30 ans de supportérisme. Les week-ends en famille, on redécouvre et c’est sympathique. Mais le football reste dans nos têtes et c’est un réel manque» détaille Xavier Schmitt.
«Familles» séparées
L’ambiance, les trajets en voitures, la mise en place de tifos, tout ce que qui rythmait la vie des supporters n’est plus vraiment possible. A Lens, Jean-Christophe Demarey, président des Bollaert Boys et plus connu sous le surnom de "Senec" dans le Nord, a vu son équipe du Racing remonter en Ligue 1 sans pouvoir le fêter. Un moment attendu depuis près de cinq ans par les fans des Sang et Or. «On a savouré l’évènement mais il manquait quelque chose. Tout le monde voulait être ensemble, faire la fête pour la remontée et remercier les joueurs. C’est regrettable de ne pas l’avoir fait mais on comprend. C’est la santé avant tout.»
Véritables familles que l’on a séparés pendant de long mois, ces groupes de supporters ont eux aussi été endeuillés durant la période. Chez les Bollaert Boys, deux membres sont décédés pendant le premier confinement. Deux frères d’armes dont les membres du groupe n’ont pu saluer la mémoire que tardivement. «L’un d’entre eux était un pilier pour nous, explique Jean-Christophe Demarey. On ne s’est rendu collectivement sur sa tombe qu’en aout pour lui rendre hommage. Cela fait tard. Avant cela, on avait brûlé des bougies à distance, pris des photos que l’on envoyait à la famille pour dire qu’on pensait à lui.» Autant d’attentions qui ont resserrés des liens déjà très forts entre tous ceux qui forment le groupe.
Garder le contact
Maintenir le lien, tel a été le véritable enjeu pour ces supporters habitués à se retrouver régulièrement dans les tribunes. Mais cela est loin d’être facile, même à l’heure des réseaux sociaux. «Quand il ne se passe rien en tribunes, l’actualité de l’association n’est forcément pas très développée, admet Daniel De Almeida, président du Kop Ciel et Blanc, l’un des groupes supportant le RC Strasbourg. Il ne se passe pas grand chose, l’activité est pratiquement stoppée et on ne peut pas se regrouper pour regarder les matches, même dans un bar. On vit tout ça depuis chez soi, il n’y a plus vraiment de partage.»
«Il y a eu des collectes de jouets pour les hôpitaux ou pour les services accueillant des jeunes porteurs de handicap. Cela a permis aux personnes de garder le contact»
Impuissance
Après ces long mois sans football dans l’Hexagone, les compétitions professionnelles ont enfin fait leur retour au mois d’aout. Mais le sentiment qu’a apporté cette reprise chez les supporters est mitigé. S’ils ont été contents de revoir leurs clubs de coeur, la jauge de 5000 spectateurs fixée dans un premier temps a vite refroidi les ardeurs de ces passionnés. Quand certains groupes comme Génération Grenat 95 ont choisi de ne pas être présents au stade car tout le monde ne pouvait pas participer, d’autres ont pu goûter à cette atmosphère insipide. C’est le cas de Daniel De Almeida et du Kop Ciel et Blanc. «Les premiers matches à 5000, l’ambiance était morose dans le stade et le club a tout fait pour que l’on revienne dans de bonnes conditions. Sur les deux, trois matches auxquels on a participé, cela allait mieux mais ce n’était pas non plus la folie et tout a vite été stoppé par la suite des évènements.»
Plus que l’atmosphère, c’est l’impression de ne pas apporter un plus qui a gêné le supporter du Racing Club de Strasbourg, ce fameux supplément d’âme qui permet à son équipe de se transcender et d’aller chercher des points décisifs. «Avec les masques, les sièges d’écart, c’est compliqué de mettre de l’ambiance. On partait en groupe, on était heureux de se retrouver mais on s’est rendu compte que ce n’était pas la même chose. On était présents physiquement, mais on n’avait pas l’impression d’apporter grand chose à l’équipe, ou d’influencer le cours de la rencontre.»
«Avec les masques, les sièges d'écart, c'est compliqué de mettre de l'ambiance. On partait en groupe, on était heureux de se retrouver mais on s'est rendu compte que ce n'était pas la même chose.»
Pas la même saveur
Un éloignement que le huis clos, de retour dès octobre, est venu renforcer. Loin de leur terrain d’expression habituel que sont les tribunes, les supporters ne peuvent réellement participer au brin d’histoire qui s’écrit pourtant devant eux. Chez Génération Grenat 95, un courrier a été écrit aux dirigeants afin qu’ils le lisent devant les joueurs du FC Metz avant la rencontre face à Strasbourg le 13 décembre dernier (2-2). Un moyen de s’exprimer et de garder un lien avec l’effectif que Xavier Schmitt aimerait répéter. «On est en relation avec le club pour trouver des opérations à réaliser. Pour Metz, c’est peut-être la meilleure saison depuis 2000 et on a envie de fêter cette équipe et ces joueurs comme il se doit. Ça nous embête forcément de rater cela.» Obligés de regarder les rencontres à la télévision, certains se sont même lassés, l’adrénaline des gradins leur manquant terriblement. «On en vient presque à s’éloigner du football, assume Florian Brunet, porte-parole des Ultramarines 1987, groupe supportant les Girondins de Bordeaux. Ce football sans supporters que l’on voit à la TV est une caricature. C’est un autre jeu, un autre sport. On a du mal à prendre du plaisir en regardant un match.»
Un moment finalement bénéfique ?
«Il faut que le retour (du public) apporte quelque chose. Avoir des supporters amorphes, ça ne sera pas bénéfique à l'équipe»
Benoît Desaint
- Toute l'actualité de la Ligue 1