
Réveillère relance le débat sur la Marseillaise
Pour France Football, Anthony Réveillère a accepté de se confier. L'ancien défenseur de Lyon est revenu sur sa carrière en Bleu, en dénonçant notamment certains comportements et en se prononçant sur l'hymne national.
Le 17 novembre, dans l’antre de Wembley, 70 000 spectateurs ont entonné une vibrante Marseillaise avant le match entre la France et l’Angleterre. Une façon de rendre hommage aux victimes des attentats survenus quatre jours plus tôt à Paris et Saint-Denis. Pendant l’hymne, nombreux étaient les joueurs à laisser couler des larmes tandis que d’autres, pour mieux se recueillir, préféraient fermer les yeux. Rarement les fameuses paroles de Claude Joseph Rouget de Lisle, capitaine du Génie ayant composé ce chant en 1792, devenu hymne national en 1879, avait-elle chargées d’autant d’émotion.
Une cristallisation incarnée par Karim Benzema
Le sujet est sensible, génère de la récupération politique de tous poils. La cristallisation est incarnée par Karim Benzema, qui ne chante pas la Marseillaise lorsqu’elle retentit. Il s’en était expliqué en 2013 chez Luis Fernandez sur RMC. «On ne va pas me forcer à chanter La Marseillaise, avait avancé l’attaquant du Real Madrid. Zidane, par exemple, ne la chantait pas forcément. Et il y en a d'autres. Je ne vois pas où est le problème. Il y a même des supporters qui ne la chantent pas.» Immédiatement, le FN avait dégainé, réclamant qu’il soit banni des Bleus. Déjà, Michel Platini avait souligné que, capitaine de l’équipe de France, peu de partenaires autour de lui la chantait. Patrick Vieira avait habilement recadré la polémique en martelant au Monde : «Je ne comprends pas, c'est un faux problème. Je ne l'ai pas chantée, c'était comme cela. Ça ne signifie pas que mon cœur ne battait pas. Lilian Thuram le faisait, ça ne veut pas dire qu'il aime la France plus que moi.»
Dans France Football, au cours d’un entretien de trois pages revisitant sa carrière (424 matches de Ligue 1, principalement à Lyon où il a remporté cinq titres de champion et deux Coupes de France), l’ancien défenseur de 36 ans aborde le sujet. Celui qui vient de raccrocher les crampons après des ultimes crochets à Naples et Sunderland est légitime : il a disputé vingt matches en équipe de France, entre 2003 et 2012, appelé par les quatre derniers sélectionneurs. L’homme au fort caractère, s’il n’a pas disputé la moindre seconde de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud («j’aurais aimé que Domenech nous dise nos quatre vérités en face, mais il ne l’a pas fait. Lui je ne l’ai jamais compris»), a activement participé à l’Euro 2012, titularisé par Laurent Blanc («avec lui j’ai pris mon pied») en quart de finale contre l’Espagne. Une épreuve où il a assisté à certains comportements déplacés, tels ceux de Nasri, Ménez, M’Vila ou BenArfa.
«Tu es sur le banc, tu meurs d'envie de jouer et ceux qui sont sur le terrain sortent du cadre; l'un s'en prend aux médias, l'autre refuse de serrer la main, etc.»
Voici ce qu’il en dit : «Ces écarts de conduite sont dommageables car la plupart des jeunes sont doués et respectueux. La grève de Knysna était un mouvement collectif. Mais, à l’Euro, chacun aurait dû prendre sur soi et garder ses états d’âme. Ça m’a dérangé. Tu es sur le banc, tu meurs d’envie de jouer et ceux qui sont sur le terrain sortent du cadre; l’un s’en prend aux médias, l’autre refuse de serrer la main, etc. Moi, en club, quand j’évitais la main de l’entraîneur, je le faisais dans le vestiaire, et il savait pourquoi. En Bleu, tu représentes ton pays. Certains ne l’ont pas compris. Je suis convaincu d’une chose: si tout le monde chantait la Marseillaise, on arrêterait de déblatérer et de créer des polémiques inutiles, comme par exemple avec les binationaux.»
«Il y a toujours eu deux poids, deux mesures, avec des règles ne s'appliquant pas à tout le monde.»
De là à prétendre que l’hymne national serait la clé… Anthony Réveillère répond également : «Cela ne résoudra pas tout et ne révolutionnera pas le système, mais il est inutile de donner du pain à manger aux médias et à l’opinion publique, laquelle juge déjà sévèrement les joueurs. La Marseillaise, on devrait tous s’en imprégner et s’habituer à l’entonner dès les sélections de jeunes. Jouer pour son pays n’est pas anodin. La chanter m’a toujours procuré quelque chose. Je m’identi?ais à mon pays. On a eu beau nous abreuver de chartes de bonne conduite en équipe de France, il y a toujours eu deux poids, deux mesures, avec des règles ne s’appliquant pas à tout le monde. Dès lors, il ne faut pas s’étonner de se retrouver dans des situations inconfortables. Il serait sain d’avoir davantage de cadres à respecter, comme une maîtresse d’école en ?xe à ses élèves. Les joueurs ont besoin de revenir à certaines bases. Je suis dérangé lorsqu’on évoque la sélection, qu’on ne mette en avant que les mauvais comportements. Porter le maillot bleu doit demeurer une ?erté, transcender et induire de mettre ses états d’âme de côté.»
Arnaud Ramsay