
Saint-Etienne : 40 ans après, les Verts de 1976 n'ont rien oublié
Ils se sont retrouvés le temps d'un instant pour fêter les 40 ans de l'épopée stéphanoise en Coupe d'Europe des Clubs Champions. Pour FF, les anciens Verts se confient sur cet événement.
«En Argentine, quand je leur dis que je fête une défaite, ils se marrent»
Après avoir présenté la nouvelle tunique de la saison 2016-17, frappée du logo du Coq Sportif et qui rappelle furieusement la liquette Manufrance, Bernard Caïazzo de son côté souhaite célébrer «non pas la défaite sportive, mais la victoire morale de l’AS Saint-Etienne ce soir-là. La France entière supportait les Verts. Je me souviens encore pousser les Stéphanois avec 300 étudiants de l’Essec dans un amphitéâtre. Une belle communion». La nostalgie est bel est bien là pour tous, même si Piazza, en bon argentin, se demande encore comment est-ce possible que 40 ans après, ces Verts trament encore autant de passion. «Au pays, chaque fois que je leur dis que je vais à Saint-Etienne fêter l’anniversaire d’une défaite en finale, ils se marrent, ils ne comprennent pas», sourit l’homme qui auparavant faisait flotter sa longue chevelure au vent. A voir les milliers de fans venus célébrer leurs anciennes gloires sur la place Jean-Jaurès, on comprend que l’émotion ressentie par les gens a pris le pas sur le résultat.
«Encore étonné de voir que 3 500 personnes viennent pour une séance d'autographes»

Christian Lopez a saisi l’engouement bien plus tard. «Sur le coup, je vous avoue, je ne me suis pas rendu compte de l’impact. C’est bien plus tard, à la fin de ma carrière que j’ai saisi.» Sa célèbre moustache désormais quelque peu noyée dans une barbe d’une semaine, l’enfant d’Aïn Témouchent en Algérie prend le temps de se remémorer. «Il y a une vingtaine d’années, j’étais au centre de formation de l’AS Cannes, on devait faire un tournoi du côté de Nantes. Des gens étaient venus me voir pour me dire : «Tiens, on a un club de supporters des Verts ici. Est-ce que vous pouvez venir pour leur parler?» J’y suis allé et il y avait 70-80 personnes. Et là tous me disent, «on fait les déplacements pour aller voir les Verts dans le Chaudron. C’est grâce à vous que notre passion est née». J’ai pris un coup sur la tête. Putain, on a quand même fait quelque chose de pas banal à l’époque. Encore aujourd’hui, je m’en étonne quand je vois 3 500 personnes se présenter pour une séance d’autographes des Verts de 76…»
Patagonie, perruque de Paga et moustache
Dans les tribunes du Chaudron, les frères Revelli tapent la discussion avec Jean-Michel Larqué. Patrick avec sa moustache et ses cheveux dégarnis se marre encore en se souvenant d’un gars qui l’a reconnu en Patagonie. Improbable. Hervé, le meilleur buteur de l’histoire de l’ASSE, évoque son job de retraité, où il aide les chômeurs stéphanois à se mettre en relation avec les entreprises. Tous ont plaisir à se retrouver. Un «intrus» fait même son entrée sur la pelouse. Le teint hâlé, les dents blanches et le sourire toujours collé à la face, Laurent Paganelli déboule avec une perruque des seventies sur la tête. Arrivé un an après l’épopée de 1976, le gamin d’Aubenas a «tenu à venir saluer ses potes et même si je n’étais pas là, je les ai tous connus. Je n’avais que quinze ans, j’étais impressionné. En tant que Vert pour toujours, je me devais d’être là».
«C'était la seule distraction des ouvriers»

Alors que Jacques Santini s’affaire avec des membres du staff des équipes de jeunes de l’ASSE, Dominique Rocheteau assis en tribunes répond aux sollicitations audiovisuelles. Jean Castaneda discute longuement avec Gérard Farison et Christian Synaeghel. Droit comme un piquet, à côté des sièges du banc de touche, Ivan Curkovic observe silencieusement le paysage. «Quel plaisir d’être là !», lâche-t-il dans une retenue qui lui est propre. Son français est nickel et ses yeux clairs s’illuminent surtout lorsque l’on parle des gens du Forez. «Plus que la finale, je retiens de mon aventure ici toutes ses victoires et le contact chaleureux avec les gens d’ici. Il ne faut pas oublier que Saint-Etienne c’était une ville de mineurs. Le football était roi ici. C’était la seule distraction des ouvriers. Ils nous ont tout donné», se remémore l’ancien gardien yougoslave.
«Dans le vestiaire, tout le monde a craqué»
Au final, peu de Verts de 76 évoquent la finale contre le Bayern. Comme si ce moment était une fugace parenthèse malheureuse au beau milieu de beaucoup trop de belles choses qu’on ne voudrait pas occulter. L’élimination du Dynamo Kiev, les déboulés de Rocheteau, les débordements de Sarramagna, le soutien populaire… «On a gagné une place privilégiée dans le cœur des Français. Ca vaut tous les succès quand c’est le cœur qui parle», lance Curkovic. Quand on lui demande de se remémorer d’un instant de la finale, Christian Lopez lui, n’y va pas par quatre chemins : «Le coup de sifflet final». Il baisse la tête pour mimer son attitude sur le terrain à ce moment-là. «Je suis un peu perdu. Je prends un sacré coup. Je vois des copains pleurer sur la pelouse et dans le vestiaire, tout le monde a craqué. On est quand même passé à côté de quelque chose de grand…». Malgré toutes les bonnes intentions, les regrets sont toujours éternels…
1ère période de la finale 1976
2ème période
Johan Tabau, à Saint-Étienne Suivre @Jtabau