fofana (seko) (A.Reau/L'Equipe)

Seko Fofana : «On a montré aux gens que le RC Lens est de retour»

De retour en Ligue 1 après quatre années en Serie A, Seko Fofana n'a pas eu besoin de temps pour s'imposer dans l'entrejeu d'un RC Lens épatant depuis le début de saison. Pour FF, l'Ivoirien est revenu sur son expérience italienne et sur cette première saison chez les Sang et Or.

«On ne vous avait plus vu en France depuis votre saison à Bastia il y a cinq ans. Cette première expérience en Ligue 1 vous a-t-elle été utile pour vous réacclimater au Championnat après quatre saisons avec l’Udinese ?
Pas particulièrement, parce que la Ligue 1 est très différente aujourd’hui. C’est difficile d’avoir des souvenirs précis d’il y a cinq ans, mais le style de jeu de certaines équipes a changé. Je trouve qu’il y a plus d’équipes joueuses. C’est un Championnat complètement différent par rapport à la Serie A. En Italie, les équipes défendent beaucoup et, surtout, elles changent souvent leur façon de jouer en fonction de l’adversaire. Ici, il y a plus d’équipes comme nous, qui jouent vers l’avant et qui gardent leur philosophie de jeu.
 
Qu’est-ce que vous cherchiez en allant en Serie A ?
J’avais besoin d’un projet. Celui de l’Udinese était un très bon choix pour moi puisqu’ils voulaient mettre en avant les jeunes. Quand le club m’a fait part de son intérêt, j’ai tout de suite dit oui, j’étais très emballé.

Avec un peu de recul sur ces quatre années italiennes, on a le sentiment que vous avez été très constant. L’intégration a eu l’air facile pour vous.
En Italie, c’est très spécial. Quand le coach donne des consignes tactiques, il faut les respecter à la lettre. J’ai eu besoin d’un peu de temps pour m’acclimater au Championnat. Quand je suis arrivé, je ne jouais pas. Le coach avait fait ses choix de départ mais a finalement été limogé. Ça m’a donné l’opportunité de jouer et de me montrer. Ça s’est bien passé jusqu’à une blessure en fin de saison (NDLR : fracture du péroné le 5 mars 2017). J’ai mis un peu de temps pour revenir, mais c’est vrai que la suite s’est bien passée.

Après Manchester City, Fulham et Bastia, Seko Fofana avait rallié l'Italie et Udine en 2016. (Massimo Ranai/IPP/PRESSE SPORT/PRESSE SPORTS)

«Les Italiens ont un côté maniaque»

Au final, vous n’avez passé que cinq matches de suite sur le banc avant de devenir titulaire indiscutable. Il y a pire comme débuts compliqués, non ?
C’est vrai (rires). On va dire que ç'a surtout été une perte de temps, un retard à l’allumage.
 
Vous êtes resté quatre saisons à Udine, avec une dernière qui a marqué les esprits. On pense notamment à ce superbe but de la victoire contre la Juve cet été.
Si je me souviens bien, c’était le seul match de la journée et, en plus, la Juve pouvait être championne en cas de victoire. Donc ç’a été beaucoup regardé. Après le match, mon téléphone n’a fait que de sonner ! C’est clair que ça m’a fait plaisir parce que c’était contre la Juve et puis c’est un très beau but.

Que retenez-vous de ces années en Italie ?
Plein de choses. La discipline tactique italienne, la volonté de se surpasser dans les efforts, la difficulté des entraînements. Tout est très professionnel. Ce sont des choses qui vont m’aider jusqu’à la fin de ma carrière. Les Italiens ont un côté maniaque. Il faut tout maîtriser, même le moindre détail. Même si, pour moi, c’est impossible dans le football. On peut se rapprocher de la perfection mais on ne peut jamais être parfait.

«Quand j'ai fait le choix de rejoindre Lens, j'ai été confronté à plein de personnes qui ne comprenaient pas.»

Pourtant le début de saison n’a pas été simple pour vous. Notamment à cause de pépins physiques.
C’est vrai. Je sortais d’une fin de saison avec l’Udinese où on avait enchaîné 12 matches en un mois et demi. Et je les ai quasi tous joué parce qu’on a eu beaucoup de blessés au milieu. Je ne pouvais pas me permettre de récupérer parce qu’il fallait se maintenir. Aujourd’hui, tout va mieux. C’est d’abord grâce au staff et à mes partenaires qui m’ont aidé à remonter la pente. Je savais que ça finirait par bien se passer tôt ou tard parce que je suis quelqu’un qui travaille énormément et se sacrifie beaucoup. Je n’avais pas de doutes là-dessus, mais c’est vrai qu’il y a eu quelques remises en question, surtout liées au fait que j’ai coûté cher au club (NDLR : 10 millions d'euros). Je suis arrivé à prendre du recul et à tranquillement faire mon travail de mon côté pour revenir à mon meilleur niveau.
 
Sur le plan statistique, le premier but a mis du temps à venir. C’est quelque chose qui vous frustrait ?
Honnêtement non. Même si je suis un numéro 8 qui se projette beaucoup, je reste d’abord un milieu de terrain. C’est vrai que ç’a un peu tardé parce que j’avais pas mal de situations. Mais je n’étais pas frustré, le plus important c’est de gagner.
 
Est-ce le domaine dans lequel vous voulez le plus progresser ?
C’est un aspect qu’il faut que j’améliore. Comme l’aspect défensif. Mais c’est dur de garder la lucidité pour marquer ou bien finir les actions quand on répète les courses tout le match. Défensivement, j’aimerais aussi être capable de récupérer beaucoup plus de ballons. Il me manque parfois de la lecture pour ne pas être dans la réaction. On voit que, parfois, pour défendre, je dois faire des courses énormes alors que si j’avais fait l’effort avant je n’aurais peut-être pas eu besoin de ça. Ce sont plein de petits détails que les gens ne remarquent pas mais sur lesquels on travaille au quotidien. C’est à moi de m’améliorer mais je sais que ça va arriver.

«Beaucoup retournent leur veste»

Cet été vous avez donc rejoint Lens, ce qui a surpris beaucoup de monde. Sept mois plus tard, on imagine que vous ne regrettez pas votre choix.
Pas du tout. Je suis très content parce que quand j’ai fait le choix de rejoindre Lens, j’ai été confronté à plein de personnes qui ne comprenaient pas. Que ce soit en Italie, les supporters de l’Udinese, l’entourage ou même les amis qui parfois remettaient ma décision en question. Quand on voit ce qu’il se passe depuis, beaucoup retournent leur veste. Mais je suis là pour leur rappeler : "Eh tu te souviens ce que tu disais avant ?" (rires). Ça fait plaisir de faire ce genre de commentaires. Je savais que j’allais être confronté à tout ça mais j’avais un challenge avec le club. Je n’ai jamais douté de mon choix.

«Il me manque parfois de la lecture pour ne pas être dans la réaction. On voit que, parfois, pour défendre, je dois faire des courses énormes alors que si j'avais fait l'effort avant je n'aurais peut-être pas eu besoin de ça. Ce sont plein de petits détails que les gens ne remarquent pas mais sur lesquels on travaille au quotidien.»

Quel regard vous portez sur la saison du club ?
Je suis content de la saison et de la façon dont on a montré aux gens que le RC Lens est de retour. C’est ce qui me fait le plus plaisir. Le club avait fixé l’objectif de se maintenir, mais je voyais plus haut parce que je savais qu’on avait la qualité pour.
 
En plus d’être promue, l’équipe est jeune. On pouvait penser que les résultats du début de saison n’allaient pas durer et pourtant vous êtes candidats à l’Europe à six journées de la fin du Championnat. Comment l’expliquez-vous ?
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on a un mix de jeunes joueurs, certains plus expérimentés et d’autres qui se relancent. On s’entend bien, on rigole bien, on prend du plaisir à l’entraînement, tout le monde est naturel. L’harmonie dans le groupe est très bonne, c’est ce qui fait qu’on arrive à en être là. On ne se prend pas pour d’autres.
 
Est-ce que vous n’avez pas peur que garder cette cinquième place soit trop compliqué quand on sait que vous devez encore jouer les trois premiers d’ici la fin de saison ?
Bien sûr que ça va être compliqué. Il reste six matches difficiles à jouer. On verra. Le plus important sera de jouer sans regret et de ne pas se dire à la fin qu’on ne s’est pas donné les moyens pour tenir cette cinquième place. On est tous conscients de la situation, on a le soutien de nos supporters et de nos dirigeants donc on va essayer de donner le maximum. Qu’on arrive ou pas à rester cinquième, vu la saison que l’on a fait, ce sera quand même une saison accomplie.

Imaginez-vous ce que donnerait une saison européenne avec le retour du public à Bollaert ?
Oh là là… Je pense que ce serait incroyable. Je n’ai pas eu le plaisir de jouer devant ce public, mais de ce que j’entends et de ce que j’ai vu, ça doit être quelque chose d’exceptionnel. Je suis très triste que les supporters ne puissent pas vivre ça avec nous alors qu’ils sont restés derrière le club en Ligue 2 et qu’ils sont toujours là. C’est aussi pour ça qu’on arrive à faire la différence. On pense à eux qui n’ont pas pu profiter de cette belle saison au stade. Avec eux, il y a des matches qu’on n’aurait pas perdu. Peut-être qu’on serait même sur le podium hein (rires) !. Plus sérieusement, l’important est qu’on puisse tous retrouver une vie normale.»

«Le club avait fixé l'objectif de se maintenir, mais je voyais plus haut»

Récemment, Frank Haise a fait le choix de passer d’un milieu à deux à un milieu à trois avec Gaël Kakuta en second attaquant. Qu’est-ce que ça change pour vous ?
Le fait de passer à trois me donne plus de possibilités de me projeter et d’aller devant le but. C’est sûr que je préfère jouer à trois au milieu, pour défendre c’est mieux (rires) ! Après qu’importe le choix du coach, jouer à deux n’est pas un problème pour moi. On est surtout contents parce qu’on sait qu’on a la possibilité de changer beaucoup de choses dans l’équipe.

«Le plus important sera de jouer sans regret et de ne pas se dire à la fin qu'on ne s'est pas donné les moyens pour tenir cette cinquième place.»

«Tout le monde est excité»

Ne pas être européen ne serait pas une déception après avoir été si proche ?
(Il hésite) Peut-être que oui, peut-être que non (rires). Il faudrait poser la question à toute l’équipe. Quand on voit que des équipes comme l’OM font des saisons compliquées mais peuvent encore terminer cinquièmes… On fait une super saison pour un promu, mais voir qu’on ne va peut-être pas se qualifier en Europe, c’est sûr que c’est frustrant. Mais je trouve que cette situation va nous permettre de voir qui on est. C’est intéressant. Et puis le fait que ce soit si serré partout, c’est aussi bon pour la Ligue 1 et pour le spectacle. Tout le monde est excité.
 
Personnellement, vous sentez-vous prêt à jouer au niveau européen ?
Bien sûr. C’est quelque chose dont je n’ai jamais douté. J’aurais pu avoir l’opportunité de jouer la Ligue des champions puisque l’Atalanta m’avait fait une offre. C’est vrai que c’est une équipe magnifique mais je n’ai pas eu peur de dire non parce que je voulais rejoindre ce projet. Mon objectif, c’est de monter en puissance. Je suis très bien aujourd’hui. Si l’opportunité doit se représenter, on verra. Je sais que j’ai les qualités pour jouer plus haut.

«Je n'ai pas eu le plaisir de jouer devant ce public, mais de ce que j'entends et de ce que j'ai vu, ça doit être quelque chose d'exceptionnel.»

Quentin Coldefy