abergel (laurent) moffi (terem) (A.Mounic/L'Equipe)

Terem Moffi (Lorient) : «Si tu peux marquer, tu peux le faire n'importe où»

A 21 ans, le buteur cartonne au sein d'un collectif lorientais qui a relevé la barre depuis plusieurs semaines. Dans la lumière depuis son but victorieux contre le PSG, il est l'une des révélations de la saison en Ligue 1. Pour FF, il a pris le temps d'évoquer sa saison et de présenter son parcours qui l'a mené du Nigeria à la Bretagne, en passant par l'Angleterre, la Lituanie puis la Belgique.

«Après un début de saison compliqué, vous empilez les buts depuis Noël. Qu'est-ce qui a changé pour vous ?
Je crois que rien n'a changé pour moi. C'est surtout l'équipe qui a évolué. Quand on regarde nos matches, on est bien mieux depuis la trêve hivernale. On n'a pas pensé au maintien mais d'abord à progresser en tant qu'équipe. Forcément, c'est plus facile de marquer quand l'équipe fonctionne bien.
 
Vous aviez très bien débuté contre Reims pour votre premier match, puis vous n'avez plus trouvé le chemin des filets sur les neuf matches suivants. Comment avez-vous traversé cette période ?
Ça a été difficile pour moi mais aussi pour l'équipe. J'ai eu besoin d'échanger avec ma famille et mes amis. Être remplaçant et relégué au rang de deuxième attaquant était quelque chose que je n'avais encore jamais connu. J'ai passé énormément de temps à la salle pour essayer de devenir plus fort et gagner en puissance.
 
On imagine que vos premières expériences en Europe vous ont beaucoup aidé.
Ça m'a énormément aidé ! La Lituanie a été une expérience de dingue. Je suis arrivé à 18 ans à peine. Je venais d'Angleterre et je me suis retrouvé dans un pays où personne ne parlait anglais, avec de la nourriture que tu ne connais pas vraiment (Rires). Ça a été très dur, vraiment dur. Pourtant, je suis quelqu'un de curieux qui adore découvrir de nouveaux endroits. Avec le recul, c'était un bon challenge à vivre.
 
La Lituanie n'est pas une destination commune pour les jeunes joueurs. Qu'est-ce qui vous a mené là-bas ?
Un des coaches de l'école dans laquelle je jouais en Angleterre a obtenu un boulot en Lituanie. Il recherchait un attaquant et en a parlé à mon agent. Quand on a échangé sur cette opportunité, je me suis dit : «Pourquoi ne pas essayer de passer professionnel là-bas ?» Donc je suis parti à l'été 2017.
 
Vous arrivez à Kaunas mais quittez le club à peine cinq mois plus tard. Que s'est-il passé ?
C'est clair que ça n'a pas été une grande réussite. Quand on est buteur et qu'on ne marque qu'une fois en huit matches, c'est forcément décevant. J'ai dû quitter le club en janvier 2018 et je suis allé faire des essais en France et en Belgique. Mais ça n'a pas fonctionné et il a fallu retourner au Nigeria pour renouveler mon visa et retenter ma chance.
 
Comment est-ce qu'on traverse une telle déception si jeune ?
Quand on est déçu à ce point, il n'y a qu'une poignée de personnes qui peuvent réellement le comprendre. Mes amis les plus proches et ma famille. Je suis retourné les voir et ils ont toujours fait en sorte de me remotiver. Ils m'ont poussé à ne pas lâcher l'entraînement, à continuer à jouer au football. Tout le mérite leur revient.
 
Un an après votre échec à Kaunas, vous obtenez une nouvelle chance au FK Riteriai, toujours en Lituanie.
Le dernier match que j'ai joué avec Kaunas était contre ce club. Et il se trouve que j'ai vraiment fait un super match. De retour au Nigeria, j'ai reçu un message du directeur sportif du club sur Facebook disant qu'ils cherchaient un joueur de mon profil. On s'est occupé de la paperasse et du visa, et j'ai foncé.
 
Vous claquez 20 buts en 31 matches et partez pour Courtrai et la Belgique en janvier 2020. C'était un accomplissement ?
J'avais aussi des offres en Norvège et en Suède mais pour moi, le Championnat belge était plus intéressant sportivement. Je voulais franchir un cap important mais je l'ai surtout vu comme une étape de plus vers des Championnats majeurs.
 
Que retenez-vous de ce passage en Lituanie ?
Que peu importe le Championnat dans lequel tu joues. Si tu peux marquer, tu peux le faire n'importe où : en Lituanie, en Ligue 1, en Liga... Mes parents me répétaient toujours que je ne devais pas être négatif. Cette mentalité est ancrée dans mon esprit depuis le début de ma carrière.
 
En Belgique, le niveau est monté mais vous n'avez pas eu besoin de temps d'adaptation.
Ça a été incroyable. En Lituanie, la saison se termine en novembre à cause de l'hiver. Je suis parti pour la Belgique en janvier donc j'ai joué 18 mois d'affilée. C'était éprouvant mais j'ai immédiatement réussi à marquer et à enchaîner les bons matches. Je me suis tout de suite senti très bien à Courtrai. Il y avait deux Nigérians dans l'équipe qui ont fait en sorte que tout soit plus facile pour moi. Sans eux, ça n'aurait peut-être pas été la même chose. Je leur dois beaucoup.

En septembre dernier, Lorient s'est montré intéressé par votre profil. Ce choix était une évidence pour vous ?
Après mes six mois à Courtrai, j'ai eu pas mal de propositions. Il a fallu peser le pour et le contre de chacune d'entre elles. Contrairement à d'autres clubs, Lorient me proposait du temps de jeu et c'était ma priorité. On ne peut pas progresser en restant sur le banc. Venir ici était le meilleur choix possible.
 
C'est plus facile de s'adapter à la Bretagne qu'à la Lituanie ?
Les premiers jours n'ont pas été simples. Ici en France, vous n'aimez pas trop faire l'effort de parler anglais (Rires). Mais au fur et à mesure, j'ai compris comment me débrouiller. Et puis mes coéquipiers, Wissa notamment, m'ont beaucoup aidé à m'adapter. Je passe la plupart de mon temps avec Yoane (Wissa), Trevoh (Chalobah), Armand (Laurienté) et Adrian (Grbic). On reste ensemble comme le fait n'importe quelle famille.
 
Fin décembre, le club était en très mauvaise posture. Comment le coach vous a-t-il tous gardé impliqués et motivés ?
Il a fait de son mieux pour nous maintenir dans un état d'esprit positif. En première partie de saison, on a fait plusieurs bonnes prestations sans obtenir de résultats. C'était très décevant. Mais en football, il suffit de remporter un match pour que tout change. C'est ce qu'on a fait. Depuis, on prend des points quasiment à chaque match. Mais il nous reste beaucoup de chemin à faire si on veut jouer en Ligue 1 l'an prochain.
 
Revenons à vos performances. Entre fin décembre et début janvier, vous marquez sur quatre rencontres consécutives. Pourtant, vous ne débutez pas le match contre le PSG. Comment l'avez-vous vécu ?
Je me suis simplement dit que le coach était le boss et que c'était son choix tactique. Il connaît l'équipe et il savait que je venais d'enchaîner quatre matches. On avait beaucoup de rencontres à jouer après le PSG, il fallait aussi me reposer. Tout le monde ne peut pas jouer tout le temps. Je n'ai eu aucun problème avec sa décision, il a pris le temps de me l'expliquer. Et c'était la bonne.

Racontez-nous ce dernier but.
C'est le plus grand but de ma carrière pour l'instant. Contre un club que je vois jouer en Ligue des champions, des joueurs que j'admire... Marquer contre le PSG de cette manière, c'était incroyable. A l'aller, j'avais eu une belle occasion mais je m'étais précipité. Après la rencontre mon père m'avait demandé pourquoi j'avais été aussi vite. Il m'a dit : «Quand tu es face au gardien, tu dois prendre ton temps.» A partir du moment où j'ai pris le ballon sur la ligne médiane, tout ce que j'avais en tête c'était : «Tranquille, tranquille» (Rires). Il fallait poursuivre la course et faire le bon geste.
 
Qu'est-ce que vous avez le plus appris depuis vos débuts en Ligue 1 ?
A devenir un joueur plus physique. Ici, il faut être solide quand on reçoit la balle devant. On n'a pas toujours beaucoup d'espace et de temps. Il faut prendre l'information à l'avance pour être dans les meilleures conditions quand la balle arrive.
 
Le club s'est imposé contre le PSG mais a aussi obtenu des nuls contre Lyon, Rennes ou Monaco. Vous êtes donc prêt à défier la meilleure défense du Championnat ce dimanche ?
C'est une question d'état d'esprit. Quand on joue contre ces grosses équipes, on est souvent contraint de reculer. Mais il faut savoir saisir la moindre opportunité de faire mal. Contre Lille, ça sera un match difficile. Mais je suis sûr qu'ils auront aussi peur de nous. Il faut qu'on garde cette confiance et que l'on donne tout sur le terrain.»

Quentin Coldefy

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