smicer (vladimir) (FEVRE/L'Equipe)

Vladimir Smicer lors de la finale 2005 : «Je me suis dit : "Si tu ne marques pas, tu ne pourras jamais revenir à Liverpool"»

Entre Lens et Liverpool, Vladimir Smicer a vécu de très fortes émotions en Ligue des champions. Avec, évidemment, la victoire finale en 2005. Le Tchèque ouvre la boîte à souvenirs.

«Entre vous et la Ligue des champions, la première grande émotion est cette victoire sur la pelouse d'Arsenal avec Lens (1-0, 5e journée de la phase de poules 1998-99). Quels souvenirs en gardez-vous ?
C'était un moment très, très spécial pour le club, pour les supporters. Nous étions la première équipe française à gagner à Wembley ! On avait beaucoup de supporters lensois avec nous. Je crois qu'il y en avait 8 000 ou 9 000. Gagner 1-0 là-bas, c'était comme gagner le titre, c'était un très, très grand match pour nous. On a conservé nos chances pour se qualifier pour les quarts de finale.

Vous êtes à l'origine du but de Mickaël Debève...
Je voulais plutôt frapper que centrer (Il sourit.). Cela arrive côté opposé. Micka Debève était là. C'était à la limite du hors-jeu... Mais cela a été validé. J'avais fait un bon match. Liverpool me regardait déjà parce qu'ils savaient que (Steve) McManaman allait partir au Real Madrid. Peut-être que Liverpool m'a choisi avec cette performance. Mais, Lens, j'en ai que des souvenirs exceptionnels. A Liverpool, il y avait des stars connus partout, comme Michael Owen, Robbie Fowler, Nicolas Anelka, Steven Gerrard, Jari Litmanen. C'était autre chose. C'était le club pour tout le monde. Lens était un club d'une région, avec beaucoup de supporters, qui n'avaient pas beaucoup d'argent mais qui avaient tout donné pour leur club. Je me sentais comme dans une famille. Même si on jouait mal, si on donnait tout, les supporters comprenaient. Il fallait tout donner. Et puis avec Daniel Leclercq... Il avait tout compris : le foot, la région... Les supporters avaient confiance en lui. C'est pour ça que nous avons fini champion (en 1998). Ces trois ans m'ont fait grandir en tant que joueur. J'ai beaucoup progressé, cela m'a apporté énormément dans la vie. J'ai connu des amis, j'ai appris à parler français...

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«Imaginez si le Real venait jouer à Lens !»

A la fin du match face à Arsenal, Tony Vairelles est expulsé. Lors de la dernière journée, vous êtes éliminés par le Dynamo Kiev dans la finale du groupe (1-3 à Bollaert), sans Vairelles...
Tony Vairelles ne méritait pas le carton rouge. Et cela nous a peut-être coûté la qualification. Si ça ne se passe pas, on aurait pu gagner contre Kiev. Dans le dernier match, Frédéric Déhu a aussi pris un carton rouge (NDLR : Dès la 6e minute). La situation était difficile. Le Dynamo Kiev, avec (Sergueï) Rebrov et (Andreï) Chevtchenko, ils avaient une très grande équipe. Ils nous ont battu 3-1. C'est dommage.

Chez eux, on aurait pu faire un meilleur résultat (NDLR : 1-1, 2e journée). On a manqué quelques occasions. Mais on a bien joué dans cette Ligue des champions. On a terminé deuxièmes, mais c'était le système où seul le premier était assuré d'aller en quarts de finale (NDLR : Lens terminait deuxième, devant Arsenal, à trois points de Kiev et n'était pas qualifié pour la suite, car ne figurant pas parmi les meilleurs deuxièmes). C'était plus difficile que maintenant. Surtout que c'était notre première participation. On a fait de bons matches, mais c'était une déception. En plus, Kiev jouait le Real Madrid en quarts ! Cela aurait été quelque chose d'incroyable. Imaginez si le Real venait jouer à Lens, dans le Nord !

Vous quittez Lens pour Liverpool à la fin de cette saison 1998-99. Avant 2005, quels souvenirs vous viennent de la Ligue des champions avec les Reds ?
En 2002, lors du dernier match de groupes (NDLR : La deuxième phase de poules de l'édition 2001-02), on doit gagner par deux buts d'écart face à l'AS Roma pour passer. Ce n'était pas facile, la Roma avait Fabio Capello avec (Francesco) Totti, Cafu, une grande équipe. Et c'est le retour de Gérard Houllier après son problème au cœur. On n'était pas sûr qu'il revienne. Il revient pour ce match après cinq ou six mois d'absence. Et on a gagné 2-0. A Anfield. Dans une superbe atmosphère. Tout le monde était optimiste.

On est éliminés par Leverkusen (en quarts de finale). C'était une très grande déception car on avait gagné 1-0 à la maison. A Leverkusen, on a perdu 4-2, mais il y avait encore 3-2 à quelques minutes de la fin. On a pris un quatrième but bête... Surtout que Leverkusen a joué Manchester United en demi-finales. Et, en Championnat, on les avait battus deux fois. On pensait qu'on aurait pu les éliminer. Et Leverkusen, qui a fait une grande saison, l'a fait. C'était dommage.

Surtout que la saison suivante, vous sortez dès le premier tour, à la surprise générale...
Bâle avait fait un bon match à Anfield (1-1). Pour le dernier match de poules, on devait gagner là-bas mais on perdait 3-0 (après 29 minutes). J'ai marqué le 3-2. Michael (Owen) marque un penalty. On avait dix minutes pour marquer le quatrième. On n'a pas réussi (3-3). C'était aussi une très grande déception. Une équipe de Premier League éliminée par une équipe suisse, ce n'était pas une grande performance de notre part...

«Les nuits européennes à Anfield, il faut le vivre»

En 2005, loin de la finale, vous passez tout près de l'élimination dès la phase de poules... Aviez-vous cru que c'était terminé ?
Nous étions obligés de gagner avec deux buts d'écart. On avait beaucoup de joueurs blessés. En première période, l'Olympiakos mène 1-0, avec un but de Rivaldo. On devait en marquer trois en deuxième période. Florent Sinama-Pongolle et Neil Mellor marquent. C'est aussi grâce à eux, parce qu'ils n'ont pas joué ensuite, qu'on est allés en finale. Et ensuite Steven Gerrard a marqué le but décisif (NDLR : 3-1, 86e). On avait pourtant confiance avant le match, parce qu'une équipe grecque n'avait jamais gagné en Angleterre. Quand vous savez que vous êtes Liverpool et que vous jouez à Anfield : anything is possible, tout est possible ! Les nuits européennes à Anfield, il faut le vivre.

Entre la Juventus en quarts de finale et Chelsea en demi-finales, quelle avait été la confrontation la plus difficile ?
En 2003, la Juventus a perdu en finale. En 2004-05, avec (Pavel) Nedved, Ballon d'Or France Football, ils pensaient pouvoir nous éliminer. C'était un peu prestigieux. On a fait une superbe première période à la maison. Le but de (Luis) Garcia était exceptionnel. Sami Hyypia a marqué le deuxième. On a gagné 2-1. Le retour, à Turin, on a fait catenaccio, 0-0 (Il rit.). Qualifiés ! En demi-finale, contre Chelsea, au retour, à Anfield, tout le stade était debout ! On a marqué assez tôt. C'était spécial parce que (Roman) Abramovitch (NDLR : propriétaire de Chelsea) voulait acheter Steven Gerrard avant la saison. Il lui avait proposé beaucoup d'argent. Steve a refusé. C'était important pour nous de gagner ce match pour lui donner raison.

On arrive à la finale... Quand on vous l'évoque, quel souvenir vous vient en premier ?
L'émotion... 0-3 à la mi-temps. Gagner à la fin. A la fin, on ne pouvait pas comprendre comment on avait fait. On avait la coupe dans nos mains, et on se disait : "C'est pas possible !" Je pense que je ne pourrais jamais oublier cette émotion. J'ai deux enfants. Quand ils sont nés, c'était très spécial. Là aussi. Quand vous la gagnez cinq fois, ok, mais pour nous, on savait qu'on n'aurait peut-être pas cette chance. Et là, avec ce scénario incroyable...

«Chelsea, c'était spécial parce que (Roman) Abramovitch voulait acheter Steven Gerrard avant la saison. Il lui avait proposé beaucoup d'argent.»

«Les joueurs de Milan ne savaient pas ce qu'il se passait»

Le discours et les choix de Rafael Benitez ont souvent été cités comme étant l'une des clés...
Il y croyait toujours. Quand on est arrivé dans les vestiaires, il nous a donné quatre-cinq minutes où personne ne parlait. On était très, très déçus parce que c'était la chance de notre vie. Et là, 0-3. On a tant préparé ce match, et on prend un but au bout d'une minute (NDLR : Paolo Maldini). On n'a pas compris ce qu'il se passait. On aurait pu avoir un penalty pour une faute de (Alessandro) Nesta à 0-1. Sur la contre-attaque, ils marquent le deuxième. Sur le troisième, avec la grande qualité de Kaka et (Hernan) Crespo, on ne pouvait rien faire. Mais Benitez a dit qu'il fallait changer l'équipe, qu'il fallait opter pour un autre système : le 3-5-2. (Dietmar) Hamann entrait à la place de Steve Finnan, qui était blessé et il allait marquer Kaka, qui avait fait un festival. On allait ensuite mettre Steven Gerrard un peu plus haut. Après avoir marqué le deuxième, je sentais qu'on allait mettre le troisième. Je le fêtais, mais personne ne venait avec moi ! Tous les joueurs étaient sur la ligne, au milieu et attendaient le coup d'envoi pour attaquer de nouveau. Les joueurs de Milan ne savaient pas ce qu'il se passait. C'étaient six minutes de folie (NDLR : Liverpool revient à 3-3 entre la 54e et la 60e minutes). J'étais très heureux parce que je savais que c'était mon dernier match pour Liverpool. Je pouvais partir tranquille ! C'est pour ça aussi que j'étais assez nerveux. Je savais que Benitez allait me demander si je voulais frapper un tir au but. J'avais 32 ans. Je me sentais bien. J'ai dit oui. Il m'a répondu : "Ok tu es quatrième."

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Comment avez-vous réagi ?
J'ai dit : "Ok, d'accord !" Mais tout d'un coup, toute ma confiance était partie ! Je me sentais d'un coup très, très nerveux. Ce serait mon dernier coup pour Liverpool. Je me suis dit : "Si tu marques, tu peux revenir à vie à Liverpool. Mais si tu ne marques pas, tu ne pourras jamais y revenir ! Jamais !" Ensuite, le soulagement était incroyable. La séance avait bien commencé. Ils avaient raté le premier. Ils étaient sous pression. Cela nous a aidé.

Avec un homme si important pendant cette séance : Jerzy Dudek...
Cette finale, c'était celle de Jerzy. Même s'il a pris trois buts, il ne pouvait rien faire. Il nous a sauvés dans la prolongation en faisant deux arrêts exceptionnels sur (Andreï) Chevtchenko. Chevtchenko était à trois mètres du but vide, Jerzy était au sol. Même Chevtchenko n'imaginait pas que Jerzy allait mettre sa main. S'il l'avait tenté 1000 fois, il ne l'aurait raté qu'une seule fois. Et c'était là, à Istanbul. Et ensuite, aux tirs au but, c'était le festival de Jerzy.»

Le tir au but (réussi) de Smicer face à Milan. (PREVOST/L'Equipe)

«Cette finale, c'était celle de Jerzy Dudek»

Timothé Crépin